Quand le fleuve Amazone ne coule plus : des images bouleversantes de la catastrophe écologique qui se joue

En Amazonie, c’est la saison sèche. Mais celle-ci est plus sèche que jamais. Les niveaux des rivières ont chuté. Des dizaines de dauphins morts se décomposent dans leurs lits. Et ce n’est pas la seule conséquence dramatique de cette sécheresse extrême.

Cela fait au moins 40 ans qu’il n’était pas tombé aussi peu de précipitations sur ces régions du Brésil à cette période de l’année. Trois mois désormais que la forêt amazonienne et sa région connaissent une période de sécheresse extrême. Les niveaux des rivières et même du mythique fleuve Amazone sont au plus bas. Dans le port de Manaus, la plus grande ville de la région, l’eau baisse de 30 centimètres par jour depuis mi-septembre. Six mètres ont ainsi déjà été perdus. Les images sont bouleversantes.

La biodiversité amazonienne affaiblie par la sécheresse
Au-delà des images, les conséquences de cette grave sécheresse se font ressentir. Des milliers de poissons morts flottent à la surface de ce qu’il reste des eaux. Ils ont succombé au manque d’oxygène. Depuis quelques jours, les dauphins semblent touchés. Les chercheurs estiment que la température des eaux a pu devenir intolérable pour eux.

La température du lac Tefé, par exemple, atteint la barre incroyable des 39 °C la semaine dernière. C’est 10 °C de plus que la normale. Malgré tout, les chercheurs poursuivent leur enquête pour écarter d’autres causes — la cause bactériologique, notamment — pour les quelque 140 dauphins morts retrouvés dans la région. Parmi eux, des dauphins de deux espèces qui figurent sur la liste rouge des espèces menacées. Pour les scientifiques, le dauphin rose — ou boto — pourrait ne pas parvenir à se relever.

Les populations humaines en souffrance face à la sécheresse en Amazonie
La vie des populations, quant à elle, semble être sur le point de s’arrêter. Les autorités évoquent 250 000 personnes touchées. Les enfants ne vont plus à l’école parce qu’ils ne peuvent plus s’y rendre par voie fluviale. La pêche est devenue quasi impossible. L’eau pour se laver, cuisiner et boire commence à manquer.

Les carburants et la nourriture n’arrivent plus jusqu’aux villages ruraux. Les experts prédisent que la situation pourrait perdurer jusqu’au début de 2024.

Déjà, le quatrième plus grand barrage hydroélectrique du Brésil, celui de Santo Antonio, a dû interrompre sa production. Pour la première fois depuis son ouverture en 2012, il manquait d’eau. Le gouvernement brésilien cherche les réponses à apporter aux populations dans le ravitaillement en nourriture ou dans le dragage de tronçons de rivières pour améliorer leur navigabilité.

Selon les experts, la situation pourrait avoir aussi un impact négatif sur les exportations de céréales et notamment de soja — dont la récolte a pourtant été exceptionnelle — et de maïs parce que la navigation sur les affluents supérieurs de l’Amazone est extrêmement difficile.

Une sécheresse particulièrement intense
Rappelons qu’en cette période de l’année, l’Amazonie a l’habitude de connaître des périodes de sécheresse. Mais, selon le Centre brésilien de surveillance et d’alerte des catastrophes naturelles (Cemadem), deux phénomènes viennent ajouter cette année au manque de précipitations : El Niño — comme on nomme le réchauffement naturel des eaux de surface dans la région du Pacifique — et le réchauffement — moins naturel — des eaux tropicales septentrionales de l’océan Atlantique.

Même s’il reste délicat d’attribuer l’essentiel de la responsabilité de cette sécheresse extrême au réchauffement climatique anthropique, les climatologues estiment que la situation pourrait donner un « bel » aperçu de ce qui attend la région dans un futur sans baisse des émissions de gaz à effet de serre.

« Personne n’avait jamais rien vu de tel, commentent les scientifiques. Et à partir de maintenant, les choses ne vont faire qu’empirer ». D’autant que sur les berges des rivières, des feuilles mortes commencent à s’accumuler, faisant grimper en flèche le risque d’incendie. Rien qu’en septembre, dans le seul État d’Amazonas, quelque 7 000 feux de forêt ont été signalés.

Des feux dont les fumées étouffent les plus de 2 millions d’habitants de la région qui suffoquaient déjà sous des températures écrasantes.

Une étude publiée dans Science Advances envisage, quant à elle, que la sécheresse extrême que connaît l’Amazonie depuis plusieurs mois puisse correspondre à un « premier signal d’alarme » indiquant que la forêt approche d’un point de bascule. Les chercheurs soulignent notamment le rôle de la déforestation qui retarde le début de la mousson dans la région et met en danger tout l’équilibre de la forêt amazonienne.

Selon leurs travaux, si les arbres continuent à être ainsi coupés, les précipitations pourraient chuter de 30 à 50 % en seulement quelques années. Et leur modèle n’inclut pas l’augmentation des niveaux de CO2 dans l’atmosphère qui pourrait encore accentuer le phénomène !

futura

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