Au Niger, la fin de l’aide internationale représente un manque à gagner considérable

Deux mois et demi après le coup d’État au Niger, les États-Unis ont annoncé mardi 10 octobre qu’ils suspendaient leur aide au développement à Niamey. Après la Banque mondiale et plusieurs pays européens, Washington rejoint la liste des pays qui ont stoppé les versements au Niger. Et cela représente déjà un manque à gagner considérable pour le pays.

Les sommes sont conséquentes. Dans un récent rapport, la Banque mondiale estime que près de 1,2 milliard de dollars ne seront pas versés au Niger cette année. Une somme qui représente plus de 6 % du PIB du pays.

En cause : les multiples suspensions des aides au développement de plusieurs pays et organisations. Il y a d’abord eu celles de plusieurs pays européens, comme la France, l’Allemagne, le Luxembourg et l’Union européenne. Au total, ils devaient verser 375 millions de dollars cette année au Niger. Au 26 juillet 2023, date du coup d’État, ils avaient déjà déboursé 28 % de cette somme.

Fin de l’aide américaine
À cette liste s’ajoutent désormais les États-Unis, qui avaient prévu de débourser 442 millions de dollars d’aide économique. Une somme dont on ne sait pas quelle partie a déjà été versée. Depuis la décision, le 10 octobre 2023, de parler de « coup d’État », le département d’État américain doit obligatoirement cesser tous ses versements. Les responsables américains précisent toutefois que l’aide humanitaire à destination de la population n’est pas concernée.

Au-delà de l’aide au développement, la Banque mondiale et le FMI assuraient également un appui budgétaire de plusieurs centaines de millions de dollars au régime de Niamey. Avant le coup d’État, seuls quelques dizaines de millions ont pu être versés, sous la forme de prêts et de subventions.

Ces sanctions représentent un manque à gagner considérable pour le Niger, qui dépendait de l’aide internationale pour boucler son budget, mais aussi dans la réalisation de plusieurs projets d’infrastructures. Ainsi, alors que la croissance devait atteindre 6 % en 2023, elle ne pourrait être que de 2,3 %, selon les estimations de la Banque mondiale.

Des conséquences en matière d’infrastructures
Les conséquences sont très importantes dans certains domaines. Dans le secteur de l’électricité, la Banque mondiale s’inquiète des « retards dans les projets d’infrastructure » qui entraveront l’augmentation de l’accès à « une électricité abordable et fiable ». Parmi ces retards, il y a par exemple celui de la centrale de Gorou Banda, financée par l’Agence française de développement (AFD).

La Banque mondiale prévient : « la situation financière de la NIGELEC [la société nationale d’électricité, NDLR] va se détériorer avec l’augmentation des coûts, ce qui pèsera sur l’investissement privé ».

De nombreux projets en matière d’accès à l’eau, dépendant de financements internationaux, sont également menacés. C’est le cas du barrage hydroélectrique de Kandadji, sur lequel Niamey comptait pour irriguer une grande partie des cultures de la région. Mais pire encore, l’arrêt des travaux en cours de route « créé des risques pour l’intégrité » des installations, selon la Banque mondiale.

Ce ne sont pas les seuls travaux actuellement à l’arrêt. Plusieurs infrastructures liées à la résilience climatique ont été amputés de leurs financements, et donc stoppés, ce qui les rend vulnérables à la détérioration. Par exemple, le retard des investissements dans la Muraille verte « augmentera la vulnérabilité des communautés rurales » s’inquiète la Banque mondiale.

Scolarisation, insécurité alimentaire et pauvreté
En matière de santé et d’éducation, la situation politique a également des conséquences inquiétantes. Jusqu’à 2 millions d’enfants en moins pourraient ne pas être scolarisés, dont 800 000 filles, prévient la Banque mondiale. À long terme, le taux de scolarisation, en particulier chez les filles, pourrait rester faible.

Aux arrêts de l’aide internationale et à leurs conséquences s’ajoutent les sanctions de la Cédéao : fermeture des frontières, arrêt des échanges commerciaux, gel des avoirs du gouvernement sur le marché financier régional… Autant de mesures qui ont des effets sur la population, qui souffre d’insécurité alimentaire. Ainsi, la Banque mondiale estime que 700 000 personnes de plus tomberont dans l’extrême pauvreté cette année au Niger.

RFI

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