Suite à l’attentat du lycée Gambetta à Arras ce vendredi 13 octobre où le professeur Dominique Bernard est décédé, Gérald Darmanin avait demandé « l’expulsion systématique de tout étranger considéré comme dangereux par les services de renseignement au FSPRT.
Ce lundi 16 octobre, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a pris la parole lors d’une conférence de presse à l’Élysée. Lors de sa déclaration, il a évoqué la présence de 489 personnes « dangereuses » sur le territoire national, dont « environ 300 » sont « privés de liberté ». Mais à qui le ministre fait-il référence lorsqu’il parle de dangerosité ? Et quelles sont les conditions pour qu’une personne soit considérée comme dangereuse ?
Quelles conditions pour qualifier un individu de dangereux ?
Le lendemain de l’attentat d’Arras, Gérald Darmanin avait demandé « l’expulsion systématique de tout étranger considéré comme dangereux par les services de renseignements ». En particulier les personnes fichées « au sein du FSPRT ».
Ce dernier ne doit pas être confondu avec le fichier S qui recense toute personne susceptible de menacer la « sûreté de l’État ». Le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) lui, est une base de données mêlant « des gens dangereux et des gens qui sont signalés comme étant en lien potentiel avec des personnes dangereuses, qui ne sont donc pas de la même nature » a indiqué le ministre. Soit des personnes bien radicalisées et d’autres dont la radicalisation est plus évanescente.
Créé en 2015 après les attentats de Charlie Hebdo et administré par l’UCLAT (l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste), ce fichier de personnes permet la surveillance et la circulation de données d’individus dangereux entre les services de l’Etat. La DGSI par exemple prend en charge les personnes requérant un haut degré de surveillance et le SCRT (le réseau du service central de renseignement territorial) les personnes aux « signaux faibles ».
Trois motifs d’expulsion existent
Ainsi selon le ministre 489 personnes dites « dangereuses » se trouveraient sur le territoire français dont la grande majorité serait « privée de liberté ». 214 sont actuellement incarcérés en prison ou font l’objet d’un placement dans un établissement psychiatrique et 82 sont assignés à résidence, selon Gérald Darmanin. il reste donc 193 étrangers en situation irrégulière et en attente d’expulsion en France, selon le ministre qui a demandé à l’ensemble des préfets de former des groupes de travail ce mardi 17 octobre, pour examiner chaque situation au cas par cas. avec l’ensemble des ministères pour se pencher sur chaque cas.
L’expulsion peut se faire selon trois motifs selon l’article L631 du Ceseda : en cas de « menace grave pour l’ordre public », de « nécessité impérieuse pour la sûreté de l’Etat ou la sécurité publique » et enfin, « de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ».
La France déjà condamnée en 2018
À la demande du ministre de l’Intérieur, ce mardi 17 octobre, une « vérification au cas par cas » va se dérouler avec les groupements d’évaluation départementaux (GED) pour réévaluer les personnes dangereuses.
Sur BFMTV, l’avocate Me Camille Escuillié s’interroge : « Où est-ce qu’on met le curseur de la dangerosité ? » et explique : « Si on se base sur le troisième motif d’expulsion, celui de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’Etat ou liés à des activités à caractère terroriste, on peut tout mettre sous le terme « dangereux ». Ça peut aller de celui qui a déjà été condamné à celui qui n’a jamais rien fait, mais qui évolue dans une sphère nébuleuse ou proche d’une mouvance par exemple ».
Et quand bien même une personne serait expulsable, la France devrait se conformer au droit européen qui interdit aux Etats membre de renvoyer un étranger dans un pays où il risque la torture ou de subir des traitements inhumains et dégradants. En 2018, la France avait été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) pour avoir expulsé en 2015, un ressortissant algérien jugé pour association de malfaiteurs terroristes.
La CEDH avait estimé que la France avait violé l’article 3 relatif à l’interdiction de la torture, car elle avait expulsé un homme dans un pays où étaient signalés des « cas de torture et d’autres mauvais traitements dans des lieux de détention, en particulier dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ».
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