En Cisjordanie occupée, d’une ville à l’autre, la circulation est difficile, les routes sont gardées à chaque carrefour par des soldats israéliens inquiets qui arrêtent les véhicules au moindre soupçon. En plus de cela, la violence des colons s’intensifie, alors les Palestiniens restent cloitrés chez eux, ne sortent pas de leurs villes respectives. Depuis le début de la guerre, la Cisjordanie est devenue un territoire presque coupé du monde.
Bilal est un jeune Palestinien qui travaille à Ramallah, à plusieurs heures de route de là où vit sa famille, raconte à RFI Alice Froussard, envoyée spéciale de Radio France. Mais il ne sait pas quand il verra ses proches à nouveau, « parce que Hébron est complétement fermé. Je voulais y aller ce week-end, mais je n’ai pas pu voir ma propre famille. »
Depuis une semaine, en Cisjordanie, les routes sont anormalement vides. La majorité des accès aux villes et aux villages sont bloqués, soit par des barrières métalliques que l’armée israélienne a baissées, soit par des monticules de terres déposés devant les routes qui permettent d’y entrer, explique Ubai al-Abudeh, directeur de l’ONG Bisan : « Dès le premier jour, même avant d’attaquer Gaza, les Israéliens ont coupé la Cisjordanie en petites enclaves et nous n’étions même plus autorisés à nous déplacer d’une ville à une autre. Par exemple, nos collègues qui vivent dans d’autres gouvernorats que celui de Ramallah n’ont pas pu venir travailler. Et l’ensemble des échanges du commerce intérieur a été stoppé. »
Les entrées et sorties depuis la Jordanie ont été suspendues également. Et les Palestiniens ne peuvent plus accéder à leurs terres agricoles. Les conséquences sont majeures pour l’ensemble de l’économie palestinienne, explique Shawan Jabarrin, directeur dAl Haq : « Cela va avoir un impact négatif sur tout : sur les salaires, sur les prix de la nourriture, les légumes, toutes ces choses. » C’est dramatique, ajoute-t-il, surtout en octobre, au début de la traditionnelle saison de la récolte des olives.
Une explosion de violence prévisible
« Voici le dernier message que j’ai eu il y a 17 heures. Le précédent avait été posté deux heures plus tôt. Donc là, après un silence de 17 heures, je suis inquiet. » Sur son ordinateur, via son compte Facebook, Mazen Qumsieh cherche des nouvelles de ses amis à Gaza. L’un d’entre eux ne s’est pas manifesté de la journée, relate nos envoyés spéciaux à Bethléem, Nicolas Benita et Guilhem Delteil.
Les messages précédemment postés étaient succincts. Quelques mots sur un fond noir juste pour dire qu’il est toujours en vie. Mais ce Gazaoui de Rafah, dans le sud de l’enclave, a envisagé la mort il y a quelques jours déjà. « Un de ses messages m’a vraiment brisé le cœur. Il a dit : « si je meurs, voici mon testament. J’espère que certains membres de ma famille vont survivre ». »
Face à cette guerre, Mazen Qumsieh, professeur de l’université de Bethléem, à la retraite, a un sentiment qui domine : « Si je ressens quelque chose, ce n’est pas la colère mais la tristesse. Pourquoi devons-nous perdre des milliers de vies et détruire tant de maisons ? Pour rien ! Pour rien. Israël ne gagnera rien de ça, si ce n’est de créer la nouvelle génération de combattants. »
Cette explosion de violence était prévisible, juge Mazen Qumsieh. Et lui qui a écrit un livre sur la résistance palestinienne, enjoint Israël et les acteurs internationaux à en tirer les conséquences : « Au bout du compte, il faudra se pencher sur la situation politique qui a conduit là. L’oppression qui nous a menés à ça. » Traiter les symptômes sans traiter le problème de fond ne règlera rien, juge t-il.
Au moins 58 Palestiniens ont été tués et plus de 1 200 blessés en Cisjordanie depuis le 7 octobre.
RFI