Pendant que Gaza s’embrase, les réactions des footballeurs sont scrutées de près. Se pose alors la question du juste engagement chez les athlètes.
« Monsieur Benzema est en lien notoire avec les Frères musulmans. » « Je demande des sanctions, notamment sa déchéance de nationalité. Il est urgent d’agir contre ceux qui menacent en permanence notre pays. » Ces citations signées du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et de la sénatrice des Bouches-du-Rhône, Valérie Boyer, ont eu l’effet d’une petite bombe dans le paysage médiatique.
Si la réputation de Karim Benzema n’a jamais été au beau fixe dans l’Hexagone, elle a aujourd’hui pris une autre tournure. La raison ? Le communiqué de soutien de l’attaquant à la Palestine. Comme nombre de footballeurs, Benzema a effectivement publié un communiqué de solidarité envers les victimes des bombardements sur Gaza, quelques jours après l’attaque du Hamas en Israël.
Une prise de position relativement commune, mais qui, du fait qu’elle émane de Karim Benzema (et tout ce qu’il représente), a bien entendu agité la sphère politique. Dès lors se pose le débat : les footballeurs doivent-ils encore s’engager ?
Prendre position, mais pas trop
Sur un sujet aussi sensible que le conflit israélo-palestinien, la valse des communiqués publiés çà et là n’a ainsi eu de cesse d’agiter les têtes pensantes, ou du moins celles qui prétendent l’être. Tout au long de la semaine dernière, les éditorialistes s’interrogeaient pourtant sur le « silence » de Kylian Mbappé, de Karim Benzema et des autres joueurs français, censés représenter la voix du peuple et se servir de leur influence.
Mais une fois les premières prises de position affichées, ceux qui les réclamaient ont vite fait d’afficher leur mécontentement. Comprenez : soutenir une cause oui, mais pas celle que l’on veut. Benzema a soutenu une cause, mais visiblement pas la bonne.
Difficile pour les footballeurs de trouver le bon ton sans tomber dans la controverse. Lors de la dernière Coupe du monde au Qatar, ils étaient par exemple invités à s’exprimer sur les conditions de travail des ouvriers, ou sur les événements survenus en Iran en début de compétition.
Pour soutenir ces causes, la mise en place d’un brassard « One Love », symbole des luttes contre les discriminations, avait alors cristallisé les tensions. À l’image d’Hugo Lloris, dont le refus de porter ce brassard avait été sujet à polémiques. Interrogé dans nos colonnes, Raphaël Varane s’est d’ailleurs attardé sur la complexité des engagements demandés aux footballeurs : « Pour un joueur, prendre la parole sur ces sujets-là, ce n’est pas facile. Tout ce qui est dit peut être surinterprété, mal interprété, déformé… »
Procès d’intention
De l’interprétation tous azimuts donc, et une liberté surveillée par l’ensemble de l’opinion publique. Dire ou faire ce que l’on veut est devenu une denrée rare pour les sportifs, victimes, à leur échelle, de divers procès d’intention. Et la notoriété n’aidant pas, toute prise de parole est propice au retour de bâton.
Ancien milieu de terrain de Mouscron et de Dudelange, Yassine Benajiba est également revenu sur les différences de traitement, selon la notoriété du joueur concerné : « J’ai conscience que moi, je peux parler, mais Mbappé, s’il parle, il va se faire allumer. Et s’il ne parle pas, on va aussi lui reprocher, donc bon… »
Un son de cloche similaire à celui de Franck Haise, présent devant les médias ce mercredi et qui a évoqué, avec une certaine retenue, le sens des responsabilités des joueurs : « Je dirais que plutôt que d’attendre que les joueurs soient toujours exemplaires, quitte finalement à interdire certaines choses, nous, on préfère prendre le pas de la responsabilité.
Cela passe par donner le maximum d’éléments pour que les joueurs deviennent responsables ou soient responsables de leurs paroles. » La responsabilisation comme argument supplémentaire, pourquoi pas. Mais il faudra cette fois éviter le piège de la langue de bois.
sofoot