Les républicains ont désigné un nouveau candidat au poste de président de la Chambre des représentants, mardi, dans une tentative de mettre fin à la paralysie du Congrès. Depuis le 3 octobre, le camp se déchire sur le choix de son leader, après deux tentatives infructueuses. Cette division, qui s’expose au grand jour à un an de la présidentielle américaine, fait peser la menace d’un « shutdown » à la mi-novembre.
L’impasse se prolonge au Congrès américain. Trois semaines après l’éviction de Kevin McCarthy, les républicains de la Chambre des représentants tentent pour la troisième fois, mardi 24 octobre, de pourvoir le poste de nouveau président de la Chambre et de remettre le Congrès au travail. Cette procédure, habituellement simple, s’avère un véritable casse-tête pour le parti, divisé entre les soutiens de Donald Trump et les modérés.
Si le numéro trois des républicains à la Chambre, Tom Emmer, a obtenu la majorité simple de ses collègues à huis clos comme candidat au poste, le plus dur reste à faire. Cet élu, peu connu du grand public, devra encore être adoubé par l’ensemble du parti lors d’un vote en séance publique.
Depuis l’éviction de Kevin McCarthy par le Freedom Caucus, les républicains de la Chambre n’ont pas réussi à s’unir autour d’un candidat unique. Le chef de la majorité à la Chambre des représentants, Steve Scalise (Louisiane), a été désigné comme successeur, mais il s’est désisté quelques jours plus tard en raison des vives réactions des législateurs de la droite dure. Le trumpiste Jim Jordan a alors été choisi, mais a dû renoncer après trois votes infructueux, plongeant la chambre basse du Congrès américain, censée être l’un des parlements les plus puissants au monde, dans une crise toujours plus profonde.
Idéologie du non compromis
“Cette crise est révélatrice de la fracture du Parti républicain pris en étau entre les partisans de Donald Trump, qui sont de plus en plus radicaux, et les modérés, qui sont prêts à faire des compromis”, analyse Jérôme Viala-Gaudefroy, chargé de cours à Sciences-Po Paris Saint-Germain et spécialiste des États-Unis. “Le système américain fonctionne grâce au compromis en permanence. Cependant, l’idéologie du non compromis, portée par une partie des républicains, paralyse le système.”
Allié de l’ex-président Donald Trump, Jim Jordan avait semblé, la semaine dernière, être sur le point de mettre fin à cette situation de plus en plus gênante pour le parti. Mais 25 républicains, lui reprochant ses positions trop extrêmes, et l’ensemble des 212 démocrates ont voté contre lui. Un échec qui constitue un nouveau revers pour Donald Trump lui-même.
“Donald Trump utilise le chaos comme une stratégie pour se présenter en sauveur et accuser Joe Biden de la situation”, explique Jérôme Viala-Gaudefroy. “C’est une stratégie populiste classique qui vise à saper la confiance dans l’establishment et à promouvoir un changement radical. Mais cette fois-ci, je ne vois pas comment les républicains pourront retourner le récit en disant que c’est la faute des démocrates. Cela risque de leur poser d’énormes problèmes pour les élections à venir, car cela donne l’impression qu’ils sont incapables de gouverner.”
Les alliés de Donald Trump n’ont pas fini de faire des remous. Ils sont opposés à la candidature de Tom Emmer, candidat nouvellement désigné pour être « speaker », car il a voté pour certifier la victoire de Joe Biden en 2020. “Avec Trump, c’est un petit peu comme la mafia. Si vous n’êtes pas loyal jusqu’au bout, vous êtes un traître”, souligne Jérôme Viala-Gaudefroy.
Si l’ancien président, occupé par ses problèmes juridiques et sa campagne présidentielle, a jusqu’à présent laissé les républicains de la Chambre décider de leur propre sort, il a affirmé ce week-end qu’il n’envisageait pas d’apporter son soutien à Tom Emmer.
La menace d’un « shutdown »
Autre difficulté causée par les divisions internes des républicains : la menace d’un « shutdown » (fermeture des activités gouvernementales non essentielles, faute de financement) qui plane au-dessus des États-Unis, avec des centaines de milliers de travailleurs renvoyés chez eux sans salaire dans quelques semaines. Sans “speaker”, le Congrès ne pourra pas voter le budget fédéral pour 2024 d’ici le 17 novembre. Les programmes fédéraux d’aviation et d’agriculture pourraient également être suspendus.
Cette situation empêcherait également le Congrès d’approuver l’aide militaire demandée par le président Joe Biden pour l’Ukraine et Israël, deux alliés des États-Unis, dépassant les 100 milliards de dollars.
Face à ces fractures internes béantes, une alliance inattendue entre républicains modérés et le parti de Joe Biden, jusqu’à présent resté spectateur de ces tractations, pourrait être une solution pour sortir de l’impasse. Les démocrates ont déjà déclaré être prêts à soutenir un candidat de compromis, ce qui pourrait permettre à la Chambre de fonctionner et d’éviter un « shutdown ». « C’est une possibilité, mais il n’y a aucune certitude. Là aussi, ce serait vu comme une trahison pour les trumpistes », conclut Jérôme Viala-Gaudefroy.
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