Le cours du cacao a atteint lundi un plus haut depuis 1979, selon plusieurs médias américains, en raison de craintes sur la production.
Les prix du chocolat et des glaces au chocolat risquent fort de ne pas baisser dans les mois à venir. Le cacao, la matière première agricole indispensable aux nombreux produits chocolatés (sa pâte permet de produire des tablettes ou des bonbons tandis que sa poudre est utilisée pour les aromes dans les glaces ou les pâtes à tartiner) évolue un en effet sur des cours inédits depuis plus de 40 années.
Comme l’ont remarqué CNBC et Bloomberg, le contrat à terme sur la tonne de cacao à New York pour échéance en décembre a atteint 3.786 dollars lundi 23 octobre, son plus haut niveau depuis 1979. Ce mardi son cours reflue un peu, perdant 0,55% à 3.738 dollars. Au-delà de ces deux dernières séances, le cacao connaît une envolée spectaculaire, de plus de 60% sur un an.
Evidemment, cela ne signifie pas que les prix du chocolat augmentent d’une telle ampleur sur un an, puisqu’au-delà de la matière première d’autres coûts dont l’inflation est probablement moins élevée (transports, transformation, emballage, distribution, marketing, etc.) entrent en ligne de compte dans le prix final des tablettes. Mais rappelons que, selon des données du cabinet Nielsen IQ cités par franceinfo, les chocolats de Pâques ont vu leurs prix progresser en moyenne de 10% sur un an en mars dernier. Les cours du cacao atteignaient alors entre 2.600 et 2.800 dollars la tonne.
D’ailleurs CNBC s’inquiétait lundi que la hausse du cours de cacao se traduise par une facture salée pour Halloween, d’autant que le sucre évolue aussi en hausse prononcée sur un an (+52%) en raison de la sécheresse et de conditions climatiques extrêmes (très peu de pluies) dans certains pays producteurs comme l’Inde ou le Mexique.
Des cacaoyers affectés par les pluies
Pour revenir au marché du cacao, la hausse des cours s’explique par les tensions sur la production, alors que la demande semble vouée à augmenter. D’après le cabinet Spherical Insights, le marché mondial du cacao et du chocolat devrait connaître une croissance annuelle moyenne de 4,37% par an entre 2023 et 2030.
« Les inquiétudes persistent quant à l’insuffisance de l’offre en Afrique de l’Ouest (région qui représente environ 75% de la production mondiale de cacao, NDLR) et les prévisions annoncent un troisième déficit mondial consécutif pour la prochaine saison 2023-2024 », résumait fin septembre John Plassard conseiller en investissement chez Mirabaud.
Sur la saison 2022-2023 qui s’est achevée en septembre, l’International cocoa organization (ICO) a chiffré ce déficit de marché à 100.000 tonnes.
Les récoltes de fèves de cacao ont été perturbées par des conditions climatiques peu propices. Notamment en Côte d’Ivoire, pays qui représente plus de 40% de la production mondiale.
« La saison des pluies, particulièrement intense, a affecté les plantations de cacaoyers, provoquant la chute des fleurs à peine formées et favorisant la propagation des maladies fongiques », explique Le Monde dans un article daté de septembre.
Comme le soulignait l’ICO dans un rapport publié fin août, ces fortes pluies ont aussi affecté le Ghana (un peu moins de 20% de la production mondiale), causant les mêmes maux.
Vers une « shrinkflation » du chocolat?
Le cacao reste une culture précaire qui a besoin de nombreuses conditions optimales pour prospérer, notamment des températures constantes ou une protection contre le vent. « Il n’y a pas beaucoup de place pour l’erreur, ce qui rend le cacao particulièrement vulnérable au changement climatique », explique à CNBC David Branch, analyste chez Wells Fargo.
Par ailleurs, le phénomène météorologique El Niño, qui se traduit par une hausse de la température à la surface de l’eau, et qui s’étendra normalement sur l’ensemble du premier semestre 2024, devrait provoquer des chaleurs et de sécheresse dans la région d’Afrique de l’Ouest, qui risquent de causer une baisse de la production d’environ 10%, selon les calculs de Bloomberg Intelligence.
« Compte tenu des projections d’un phénomène El Nino, les précipitations attendues, inférieures à la moyenne, entraîneraient une diminution de l’humidité du sol. Cette situation suscite des inquiétudes quant à l’ampleur de la récolte 2023-2024 et risque de provoquer de nouvelles hausses des prix », notait sur ce point l’ICO en août.
Reuters a indiqué en septembre, citant des sources du secteur, que la récolte en Côte d’ivoire pourrait chuter de 20% pour la saison 2023-2024 (qui a donc débuté le 1er octobre) par rapport aux autres années, à 1,8 million de tonnes, contre 2,25 millions de tonnes sur les années précédentes.
Malicieusement, l’ICO s’interrogeait en août sur les conséquences des hausses des cours du cacao pour les producteurs de chocolat.
« Les marges bénéficiaires des fabricants de chocolat sont susceptibles d’être menacées par les prix élevés du cacao, avec également les hausses d’autres ingrédients comme le sucre. Cela conduira-t-il à une nouvelle ‘shrinkflation’ de chocolat (avec des formats plus petits mais des prix semblables, NDLR), les fabricants devant faire face aux prix élevés des fèves de cacao? Ou bien la flambée des prix du cacao sera-t-elle répercutée sur les consommateurs et verrons-nous davantage de réactions négatives de la part des distributeurs ? », exposait l’association.
Et l’ICO de relever que le distributeur belge Colruyt a refusé il y a quelques mois des hausses de prix de Mondelez (Milka, Oreo) sur ses produits. D’autres exemples existent, comme, aux Pays-Bas, avec Jumbo qui s’est opposé à Nestlé et Mars. D’autant qu’en avril, le directeur financier du groupe de confiserie Hershey cité par Bloomberg estimait que les prix du sucre et du cacao auront un impact plus fort sur les coûts de matières premières de sa société l’an prochain qu’en 2023. « Mais nous verront comment les marchés évoluent », ajoutait-il.
BFM Bourse