En Iran, les Gardiens de la révolution recrutent des volontaires pour combattre à Gaza

En Iran, le soutient total des dirigeants au Hamas fait émerger des tensions. Téhéran encourage les Iraniens à se battre contre Israël. Le régime a même lancé une campagne de recrutement en ligne. Une opération de propagande suscitant la défiance au sein d’une partie de la population iranienne.

Un enfant pré-pubère en veste militaire se tient devant la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem. Il porte un keffieh autour du cou et il arbore une broche sur le torse à l’effigie du défunt général Qassem Soleimani, ancien chef des forces iraniennes Al-Qods, unité d’élite des Gardiens de la révolution, tué dans un raid américain à Bagdad en 2020. Ce garçonnet est le visage de la campagne en ligne lancée par Téhéran, visant à recruter des combattants – enfants y compris – pour la guerre du Hamas contre Israël.

L’image n’est pas sans rappeler la traumatisante guerre Iran-Irak et son demi-million de morts côté iranien, dont des milliers de jeunes adolescents envoyés au front, une clef autour du cou, avec la promesse que celle-ci leur ouvrirait les portes du paradis.

Cette opération de propagande de grande ampleur, appelée « Déluge d’Al-Aqsa », nom de code utilisé par le Hamas pour son attaque terroriste du 7 octobre en Israël, a été diffusée par plusieurs sites affiliés aux Gardiens de la révolution, mais aussi à la radiotélévision d’État, où défilait il y a une semaine encore un bandeau affichant le nombre d’inscrits. D’après la télévision iranienne, le nombre de volontaires prêts à être envoyés en Palestine pour combattre Israël dépassait alors les 3 millions. Un court message a également été envoyé aux Iraniens pour leur demander d’exprimer leur volonté par SMS.

« La cause palestinienne est très souvent mise en avant par le régime iranien avec un matraquage pour rallier la population, mais elle n’est pas dupe de l’utilisation de cette cause par le régime pour servir ses propres intérêts », explique Jonathan Piron, historien spécialiste de l’Iran pour le centre de recherche Etopia, à Bruxelles. « Une partie de la population considère ce discours comme de la propagande, même s’ils ne sont pas indifférents au sort des Palestiniens ».

Des slogans détournés par les manifestants iraniens

Les Iraniens sont habitués à la rhétorique anti-israélienne des tenants du pouvoir. Un discours que les dirigeants iraniens ont l’occasion de rabâcher chaque vendredi, lors de la grande prière politique de Téhéran, ponctuée de traditionnels slogans de « Mort à Israël ! », prônant la destruction de l’État hébreu. D’autres « Mort à l’Amérique » ou « Mort à l’Angleterre » sont aussi prononcés lors de ces rassemblements auxquels participent la frange la plus dure du régime.  

« Ce sont des slogans automatiquement scandés, qui font partie maintenant du discours de base du régime iranien. Mais nombre d’Iraniens les considèrent vides de sens et les détournent lors des manifestations contre le régime appelant à la mort, non pas d’Israël ou des États-Unis, mais à celle du Guide suprême Ali Khamenei », souligne Jonathan Piron.

Les campagnes d’inscription sur des listes « de martyrs » prêts à s’engager contre Israël sont régulières dans le pays, qui relance ce type d’opération de propagande à chaque offensive israélienne sur Gaza.

L’Iran entretient des liens étroits avec le Hamas, en lui apportant un soutien affiché mais aussi une aide financière et logistique fournie plus spécifiquement par les Gardiens de la révolution. Le chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a d’ailleurs reconnu dans une interview accordée à Al-Jazira, début 2022, que le mouvement islamiste « avait reçu 70 millions de dollars d’aide militaire » de la part de l’Iran.

Téhéran financerait plus généralement tous les groupes armés palestiniens à hauteur de 100 millions de dollars par an, selon un rapport du département d’État américain publié en 2020.

Refus de piétiner le drapeau d’Israël

À Téhéran, ces derniers jours, s’affichait un panneau publicitaire géant encourageant la mobilisation des populations du Moyen-Orient « contre l’oppression ».

 

Un jeu dangereux

Les tensions entre pro et anti-régime en Iran sont telles depuis la mort de Mahsa Amini en septembre 2022, que le soutien total du régime islamique au Hamas provoque des débordements. Le 8 octobre, au lendemain de la sanglante attaque du Hamas, lors d’un match de football du club de Persepolis, des supporters iraniens s’en sont pris à des pro-régime qui agitaient un drapeau palestinien dans le stade. 

De son côté, à trop vouloir encourager la guerre contre Israël, le régime iranien joue gros, estime Jonathan Piron : « Téhéran mobilise avec un soutien fort à la Palestine, mais il risque de se retrouver coincé s’il ne compte pas aller jusqu’au bout ». Un jeu dangereux, d’autant que les États-Unis, alliés de l’État hébreu, ont annoncé, le 22 octobre, le renforcement de leur dispositif militaire dans la région et ont mis en garde l’Iran et des organisations armées contre tout élargissement du conflit au Proche-Orient.

france24

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