La santé mentale des médecins est en chute libre, et ça n’est bon pour personne

Deux fois par semaine, Elissa Ely, psychiatre dans la région de Boston, est bénévole sur une ligne d’assistance téléphonique anonyme destinée au personnel médical en crise. Les appels qu’elle reçoit proviennent souvent de personnes en grande détresse –des médecins ayant des crises de panique, abusant de substances psychotropes ou d’alcool, confrontés à un divorce ou à une autre situation personnelle compliquée.

Un appel typique, dit-elle, peut provenir «d’un urgentiste qui vomit avant d’entrer en service, de désespoir et de dépression». Malgré le niveau élevé de détresse mentale de ses interlocuteurs, les médecins sont souvent très réticents à l’idée de consulter un psychiatre, indique Elissa Ely à Vox. Ceux-ci «vivent dans la terreur de perdre leur identité ou la vie qu’ils se sont créée, et de perdre leur licence», déclare la psychiatre.

Le 24 octobre, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (agence gouvernementale américaine en matière de protection de la santé publique) ont publié un rapport détaillant les différents niveaux d’épuisement professionnel des travailleurs de la santé.

Une difficulté à demander de l’aide
L’étude, qui se base sur un sondage effectué auprès de travailleurs entre 2018 et 2022, indique une baisse importante de la santé mentale du corps médical. D’après une enquête nationale réalisée en 2021, le pourcentage de médecins présentant au moins un symptôme d’épuisement professionnel a augmenté de 43% par rapport à l’ère pré-Covid-19.

Par ailleurs, le taux de suicide des médecins est plus élevé que celui de l’ensemble de la population américaine, et le risque est deux fois plus grand chez les femmes que chez les hommes. Une enquête réalisée en 2022 indique même qu’un médecin sur dix a déclaré avoir pensé au suicide ou tenté de se suicider.

Tous ne sont pas exposés aux mêmes risques: les prestataires de soins primaires (médecine d’urgence, médecine interne, pédiatrie) sont les plus à même de subir un épuisement professionnel. Et femmes sont, là aussi, plus nombreuses à en pâtir que les hommes.

De 50 à 80 euros la séance, à raison d'une par semaine pendant plusieurs mois sinon années, c'est un sacré budget. | Benmar Schmidhuber via UnsplashÀ LIRE AUSSI

Santé mentale: la psychothérapie reste un luxe

Les cordonniers sont donc les plus mal chaussés. De nombreux médecins affirment en effet que malgré leur aisance à prescrire des traitements et des soins de santé mentale à leurs patients, le fait de chercher à entrer en relation avec des soignants pour traiter leur propre santé mentale reste très stigmatisé.

Tout cela aboutit à une situation néfaste à la fois pour les médecins et pour les patients: les prestataires de soins souffrant de plus en plus de détresse mentale, ils sont davantage susceptibles d’abandonner la pratique médicale. Compte tenu de la grave pénurie de médecins à laquelle le système de santé américain est confronté, cela pose un problème d’envergure… et la France n’est pas mieux lotie.

slate

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