Depuis une semaine, le Panama est partiellement bloqué par des barrages qui empêchent ou perturbent la circulation dans la capitale et en province. Les manifestants sont mobilisés pour dénoncer un contrat minier signé par le gouvernement avec une société canadienne, qu’ils considèrent comme dangereux pour l’environnement et violant l’intégrité nationale. Dimanche soir, le président panaméen a annoncé la tenue d’un référendum pour sortir de la crise.
Un référendum pour que les Panaméens décident d’abroger ou non la loi autorisant l’entreprise canadienne First Quantum Minerals (FQM) à exploiter la plus grande mine d’Amérique centrale ? La réponse à l’annonce dominicale du président panaméen, en deux temps, n’a pas tardé.
Dès lundi 30 octobre au matin, les opposants à 20 ans de plus d’exploitation minière étaient de nouveau dans la rue, convaincus que l’annonce présidentielle n’était qu’un écran de fumée. Les protestataires sont inquiets de l’impact potentiel sur l’environnement et des contours de ce contrat. Elvis était de ceux qui bloquaient l’un des principaux carrefours de Panama City.
À 55 ans, il assure n’avoir jamais vu une telle mobilisation populaire. « Nous n’avons aucune confiance dans le gouvernement. Le peuple a déjà parlé, la majorité est déjà dans la rue, affirme-t-il au micro de notre correspondant à Panama, Grégoire Pourtier. Il n’y a rien d’autre à dire, nous voulons le retrait de la loi. Je ne sais pas comment nous allons l’obtenir, mais nous y arriverons. Nous allons nous relayer pour maintenir les blocages, parce que cette lutte nous concerne tous. Il s’agit du futur de notre pays, son futur environnemental, ce qui est le plus important.
Les forêts sont notre richesse. L’or du Panama, c’est l’or vert, et rien de plus. »
Deuxième temps : le Tribunal électoral a annoncé qu’il n’était pas en mesure d’organiser un tel scrutin. « Pour le moment, les conditions ne sont pas réunies pour organiser le référendum prévu », avait indiqué le président de la Cour, Alfredo Junca, lors d’une conférence de presse, estimant que les tensions dans le pays ne permettent pas de répondre à la demande du chef de l’État. Par ailleurs, « la Cour de justice est actuellement saisie d’un recours en inconstitutionnalité contre la loi 406 (sur le contrat minier) qui, s’il était résolu avant la date du référendum, rendrait celui-ci inutile », avait ajouté le magistrat.
Le président persiste et signe
Malgré ces blocages, lundi, le président Laurentino Cortizo a transmis au Congrès panaméen un projet de loi ouvrant la voie à un référendum le 17 décembre. « Grâce à ce projet de loi, nous avons la possibilité de mettre en œuvre des actions qui permettront de [parvenir à] la paix sociale », a déclaré le ministre panaméen de l’Intérieur Roger Tejada devant le Congrès. Le président de l’Assemblée nationale, Jaime Vargas, membre du parti présidentiel, a pour sa part déclaré qu’il proposerait d’amender le projet de loi afin de suspendre le contrat dans l’attente du référendum.
La crise pourrait donc durer. Par manque d’approvisionnement, le marché central de fruits et légumes est déjà quasiment à l’arrêt. La Cour suprême de justice devrait donc s’emparer très vite du dossier.
En 2017, 20 ans après la plainte, elle avait déjà jugé anticonstitutionnel le contrat cédant une partie du territoire national à une société étrangère. Mais des juristes s’inquiètent : si le pays se retirait finalement de l’accord, il s’exposerait à des milliards de dollars de dédommagement. La gigantesque mine de cuivre à ciel ouvert, située à 240 km de la ville de Panama, génère 4% du PIB et 75% des revenus à l’exportation du pays.
AFP