En France, le nombre d’enfants qui dorment à la rue a fortement augmenté entre août et octobre, selon le dernier baromètre de l’Unicef et de la Fédération des acteurs de la solidarité qui évoque une hausse de 42% en un peu plus d’un mois. Un chiffre largement sous-estimé, selon les associations.
« Été comme hiver, la rue n’est pas un lieu pour les enfants », rappellent l’Unicef et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) dans leur dernier baromètre « Enfants à la rue », publié le 17 octobre dernier. Face à ces chiffres inquiétants, les associations alertent sur la hausse considérable du nombre d’enfants qui dorment à la rue en France et réclament « une hausse du nombre de places d’hébergement » d’urgence.
Bien qu’elles saluent le maintien de 203.000 places en 2024, elles estiment qu’au moins 10.000 places supplémentaires seraient nécessaires pour accueillir dignement les familles de plus en plus touchées par la précarité et l’inflation.
Dans la nuit du 2 au 3 août 2023, les associations soulignent que pas moins de 2.822 enfants ont passé la nuit dans la rue à l’échelle nationale, faute d’avoir trouvé une solution d’hébergement après un appel au 115. Parmi eux, 686 étaient âgés de moins de trois ans. Un chiffre en hausse de 20% par rapport à la même période l’année dernière.
Cette hausse du nombre d’enfants à la rue s’élève même à 42% par rapport au précédent baromètre réalisé dans la nuit du 21 au 22 août dernier, qui faisait état de 1990 enfants à la rue – dont 480 âgés de moins de trois ans.
« Beaucoup de familles ne prennent plus la peine d’appeler »
Alarmants, ces chiffres sont pourtant largement sous-estimés, d’après la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) contactée par BFMTV.com. En effet, ce baromètre publié pour la 5e année consécutive ne prend pas en compte les mineurs non accompagnés ni les familles vivant en squat ou dans des bidonvilles.
« Ça ne prend en compte que les personnes qui passent un coup de fil au 115, or on sait que beaucoup de familles ne prennent même plus la peine d’appeler sachant que les centres sont pleins », confie Nathalie Latour, directrice générale de la FAS, qui estime que la réalité s’élève probablement à 50 à 70% de personnes supplémentaires.
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Cette augmentation « extrêmement préoccupante » s’explique par « une conjonction de plusieurs facteurs ». D’abord, l’inflation galopante qui « a fait des dégâts en fragilisant et précarisant » les familles monoparentales et les travailleurs pauvres qui ne parviennent plus à joindre les deux bouts à cause de la hausse des prix de l’alimentation et la crise du logement. Ensuite, le contexte géopolitique instable qui provoque une arrivée plus importante de personnes en situation de vulnérabilité.
« Le nombre de places dans les hébergements d’urgence n’est plus suffisant », s’alarme Nathalie Latour.
« L’écart entre le nombre de places et la demande est de plus en plus énorme, et on passe notre temps à alerter sur le fait qu’il n’y a pas de réponse pérenne et structurelle: on fait pour défaire derrière ».
« On se voit obligés de catégoriser les publics »
Faute de places suffisantes, elle explique que les associations sont désormais contraintes de trier les profils selon des critères de vulnérabilité, ce qu’elles regrettent et refusent d’instaurer comme un principe. « Auparavant, le fait d’avoir un bébé faisait automatiquement de vous un public prioritaire. Aujourd’hui, les critères sont de plus en plus ‘stricts’ et avoir un enfant de plus d’un an ne fait plus systématiquement de vous un public prioritaire, idem si vous êtes enceinte de 3 mois… »
« À notre plus grand regret, on se voit obligés de catégoriser les publics. C’est très violent et ça met complètement de côté les principes de continuité et d’inconditionnalité de la prise en charge que nous essayons de respecter, mais nous n’avons pas le choix », regrette Nathalie Latour.
« Et ça ne fait que commencer », met encore en garde la directrice générale de la fédération. « Ces chiffres s’inscrivent sur un laps de temps très court. Avec la crise du logement qui s’aggrave de jour en jour, si le gouvernement n’apporte pas de réponse plus pérenne, les difficultés vont être devant nous et pas derrière nous ».
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Dans leur baromètre, l’Unicef et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) signalent également que la proportion de femmes seules avec enfants dont les demandes d’hébergement n’ont pas été pourvues a augmenté de 29 à 35% entre août et octobre dernier.
bmftv