Les groupes armés tout comme l’armée malienne ont tué et commis d’autres abus contre de nombreux civils dans le centre et le nord du Mali depuis avril 2023, a déclaré l’ONG Human Rights Watch.
Ces abus surviennent alors que la Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), la mission de maintien de la paix des Nations Unies dans ce pays, s’apprête à quitter le pays d’ici le 31 décembre.
Depuis le début du mois d’avril, des combattants islamistes du Groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, ont tué plus de 160 civils, dont au moins 24 enfants.
Crimes de guerre
« Les meurtres ciblés de civils par les groupes islamistes armés constituent des crimes de guerre qui doivent faire l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les autorités maliennes devraient demander à des experts régionaux et internationaux indépendants des droits humains de soutenir les autorités judiciaires maliennes afin que les responsables de ces crimes graves rendent des comptes. »
En août et septembre, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 40 personnes ayant eu connaissance d’attaques menées par des groupes islamistes armés. Parmi ces personnes figurent 33 témoins d’abus, ainsi que des membres de groupes de la société civile malienne et d’organisations internationales.
Meurtres, viols, pillages
Le GSIM tout comme son frère ennemi, l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), ont commis de nombreux abus graves dans plusieurs régions du Mali, notamment des meurtres, des viols et des pillages à grande échelle de villages.
Le 7 septembre, des combattants islamistes affiliés au GSIM ont attaqué un bateau de passagers sur le fleuve Niger près du village d’Abakoira, dans la région de Tombouctou. Les assaillants ont tiré au moins trois roquettes sur le bateau, tuant 49 personnes.
De nombreuses victimes se sont noyées ou sont mortes brûlées vives alors que le bateau prenait feu. « J’ai sauté dans l’eau », a déclaré un survivant. « Beaucoup d’autres ont sauté aussi. Certains criaient à l’intérieur du bateau à cause du feu. C’était la terreur totale. Beaucoup de personnes sont mortes parce qu’elles ne savaient pas nager. »
L’attaque de ce bateau est liée au blocus de la ville de Tombouctou par le GSIM qui dure depuis la mi-août et limite la liberté de mouvement sur les routes principales et les voies navigables du fleuve Niger. Le GSIM a attaqué des villes et des villages au Mali et au Burkina Faso, et cherché à étendre son contrôle en privant la population civile de nourriture, de produits de première nécessité et d’aide humanitaire.
Les exactions des forces armées
Par ailleurs, Human Rights Watch a documenté les abus commis par les forces armées maliennes au cours de trois opérations de contre-insurrection qui visaient des groupes islamistes armés essentiellement liés à Al-Qaïda dans les villages de Gadougou, Trabakaoro et Sambani, dans les régions de Nara et de Tombouctou.
Les forces armées maliennes ont tué jusqu’à 40 civils, dont au moins 16 enfants, au cours d’opérations de contre-insurrection. Le gouvernement malien n’a pas pris de mesures adéquates pour protéger les civils dans les zones touchées par le conflit.
Lors de l’opération menée à Sambani le 6 août, les autorités ont arrêté 16 hommes et un garçon dont les corps ont ensuite été retrouvés à l’extérieur du village. Des témoins ont signalé l’implication d’hommes « blancs » étrangers et armés, apparemment membres du groupe Wagner soutenu par la Russie, qui offre un soutien au gouvernement actuel depuis décembre 2021.
En juillet, Human Rights Watch a fait état d’exactions commises par des membres de l’armée malienne et par des combattants étrangers qui leur sont associés, et appartenant apparemment au groupe Wagner, notamment des exécutions sommaires et des disparitions forcées de plusieurs dizaines de civils au cours d’opérations de contre-insurrection au centre du Mali.
Les villageois accusés d’avoir collaboré avec l’autre camp sont ciblés. Un homme de la région de Mopti explique. « Les djihadistes tuent, kidnappent et brûlent eux aussi, sans craindre de devoir rendre des comptes. Et nous, les civils, sommes pris entre le marteau et l’enclume dans notre propre pays ».
Le 9 octobre, Human Rights Watch a envoyé aux ministres maliens de la Justice et de la Défense des lettres qui présentaient en détail ses conclusions et posent des questions sur les allégations d’abus. Ces lettres sont restées sans réponse
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