Plusieurs fois reporté, l’examen du nouveau projet de loi immigration débute ce lundi 6 novembre au Sénat. Pour le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, c’est le début de l’épreuve du feu sur un texte controversé et à fort enjeu politique.
Ce sont les sénateurs qui vont donner le ton. Le texte passe d’abord par la Chambre haute où la droite et le centre sont majoritaires, mais ne sont pas d’accord sur l’article 3.
Ce dernier propose la régularisation des sans-papiers dans les métiers en tension, comme le bâtiment, la restauration, l’agriculture ou l’aide à domicile. Sous certaines conditions : être en France depuis trois ans et avoir travaillé au moins huit mois dans l’un de ces secteurs.
Il s’agit d’un des points chauds du texte. Les centristes veulent sa réécriture, Les républicains sa suppression, dénonçant un « appel d’air » pour l’immigration irrégulière. Et Gérald Darmanin va essayer d’arrondir les angles pour sortir du débat au Sénat avec un texte amendé, mais voté.
Le gouvernement cherchera une majorité auprès des parlementaires, a assuré ce lundi matin sur France Inter la Première ministre. Interrogée sur la possibilité de sortir cet article 3 du projet de loi pour permettre de faire adopter le texte, Elisabeth Borne a exclu cette possibilité. « Il se trouve qu’il y a besoin d’une disposition législative parce qu’aujourd’hui, une personne même si elle est très bien intégrée, même si elle est sur notre sol depuis des années, même si elle travaille, ne peut pas elle-même demander sa régularisation. »
Les associations appellent ce lundi à « rejeter » une loi immigration à la « ligne directrice » répressive
Les associations de défense des immigrés se sont inquiétées ce lundi du projet de loi immigration du gouvernement qu’elles voient comme une « accumulation de mesures répressives » et contraires aux « principes humanistes », appelant les parlementaires à « rejeter » le texte dont l’examen débute dans l’après-midi au Sénat. Elles l’ont dit lors d’une conférence de presse de 35 associations et collectifs de sans-papiers à Paris.
« C’est terrible qu’en France, pays des droits humains, on associe uniquement les questions migratoires à l’assimilation migrants/délinquants, aux mots ‘répression’, ‘stigmatisation’, ‘expulsions’, ‘enfermement », a énuméré Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade. « Où sont l’accueil, la solidarité ? A quel moment va-t-on parler des drames aux frontières, des personnes qui vont continue à mourir sur les parcours migratoires ? », a-t-elle ajouté, estimant que le projet de loi n’est « pas à la hauteur des enjeux ».
Les inquiétudes viennent aussi de certains amendements déposés avant la reprise de l’examen du texte, maintes fois reporté depuis un an.
Certaines centrales syndicales, associations ainsi que des universitaires ont ainsi demandé lundi à la Première ministre Elisabeth Borne de supprimer ceux qui « remettent en cause le droit du sol » pour les enfants nés en France de parents étrangers. Des amendements déposés par la droite sénatoriale qui représentent un « recul passé largement inaperçu », a écrit dans un courrier à Mme Borne un collectif d’une soixantaine de signataires, dont les responsables de la Ligue des droits de l’Homme, de la CGT, ou encore l’historien Benjamin Stora. Les signataires s’inquiètent de mesures « profondément désintégratrices » reprenant « des antiennes de l’extrême droite ».
Casse-tête pour Darmanin
Car c’est lui, Gérald Darmanin qui est attendu au tournant. Le ministre de l’Intérieur n’a cessé de dire que ses textes ne passaient pas par le 49.3, pour montrer sa détermination à trouver le trou de souris du compromis. Entre les LR qui ont fait du maintien de l’article 3 un casus belli et l’aile gauche de la majorité qui refuse de la voir disparaître de la loi.
Un casse-tête pour Gérald Darmanin dans lequel Emmanuel Macron a choisi d’interférer en faisant savoir, à quelques heures du début de l’examen du texte, qu’il envisageait d’étendre le référendum aux sujets de société. Et donc à l’immigration, comme le demandent les LR, mais aussi le Rassemblement national. Un coup de pouce à son ministre, ou un leurre pour la droite.
Limiter les régularisations et renforcer les OQTF
Parmi les objectifs de cette loi, il y a aussi l’idée de limiter le nombre des régularisations avec, dans le collimateur, le regroupement familial. En commission, les sénateurs ont déjà resserré les conditions : attendre deux ans et non plus un an et demi avant de déposer une demande. Et dès leur arrivée, les membres de la famille devront maîtriser un minimum la langue française.
Une autre préoccupation du projet de loi est de renforcer l’exécution des obligations à quitter le territoire français, les OQTF. L’article 10 du texte permettra de lever les protections contre les personnes qui représenteraient une menace grave pour l’ordre public.
Le projet de loi sera ensuite débattu à partir du 11 décembre à l’Assemblée nationale.
RFI