Avec la renaissance de « l’Egyptian Theatre », Netflix s’affirme à Hollywood

Avec ses imposantes colonnes et sa cour ornée de faux hiéroglyphes, l' »Egyptian Theatre » a accueilli le tout premier tapis rouge d’Hollywood il y a plus d’un siècle, avant de tomber en décrépitude. Mais ce cinéma américain culte renaît désormais sous l’égide de Netflix.

Restauré dans toute sa splendeur d’antan, ce temple du cinéma va rouvrir ses portes jeudi à Los Angeles, après des années passées à lutter pour maintenir sa façade.

Pour le géant du streaming, régulièrement dépeint en fossoyeur du septième art, sauver cette institution remontant à l’âge d’or d’Hollywood est une manière d’affirmer sa place désormais incontournable dans l’industrie.

« Hollywood est une affaire de symboles », confie à l’AFP le co-PDG de Netflix, Ted Sarandos« Le panneau Hollywood et ce théâtre sont probablement les deux symboles les plus emblématiques d’Hollywood. (…) Celui-ci, malheureusement, était en train de s’effondrer. »

Inspiré de l’Egypte antique, un thème très en vogue en Californie pendant les Années folles, le cinéma a ouvert ses portes en 1922, avec la première mondiale de « Robin des Bois » de Douglas Fairbanks.

A l’époque, les organisateurs marquent le coup avec un personnel en costumes d’Egyptiens et déroulent un tapis rouge dans la cour pour accueillir les invités de marque, comme Charlie Chaplin.

Empruntée aux traditions de la royauté européenne, cette innovation sera reprise partout dans le monde et reste encore un marqueur incontournable des festivals et grandes projections.

Tremblement de terre

Malgré ses débuts ronflants, l’Egyptian Theatre a ensuite connu des difficultés.

Quelques années après son ouverture, son propriétaire s’en est désintéressé pour construire le « Chinese Theatre » à quelques encablures de là sur Hollywood Boulevard – qui deviendra un stop obligé des touristes à Los Angeles, pour admirer les empreintes de célébrités figées dans le ciment.

L' »Egyptian » a surtout été largement endommagé par un tremblement de terre qui a secoué Los Angeles en 1994.

L’American Cinémathèque, organisation à but non lucratif qui l’a repris après l’incident, avait réussi à le restaurer mais avait beaucoup de mal à financer son entretien.

Jusqu’à ce que le poids lourd Netflix mette la main à la poche pour une nouvelle rénovation.

Colonnes couleur sable, hiéroglyphes colorés, scarabée géant au-dessus de la scène: les travaux reprennent au plus près l’esthétique des débuts, tout en équipant l’endroit d’équipements audiovisuels dernier cri.

Une opération estimée autour de 70 millions de dollars par les experts – l’entreprise elle, ne communique pas de chiffre.

« Ils sont arrivés et ont formé un partenariat formidable avec nous », se réjouit le président de l’American Cinematheque, Rick Nicita. « Ils ont compris ce que nous essayions de faire. »

L’organisation va continuer de proposer des classiques tels que « Lawrence d’Arabie » le week-end, et Netflix pourra désormais projeter ses propres productions en semaine. Jeudi, le géant du streaming commencera ainsi par diffuser « The Killer », de David Fincher.

« Nous louons des salles de cinéma tout le temps, à New York et à Los Angeles, pour organiser nos premières et nos événements », a rappelé M. Sarandos. Investir des fonds pour préserver cette institution lui est donc apparu comme un scénario « gagnant-gagnant ».

« Acompte » envers Hollywood

Après avoir aspiré dans son orbite les meilleurs réalisateurs et stars du grand écran ces dernières années, Netflix s’offre ainsi une salle chargée d’histoire, à l’instar du « Paris Theatre » de New York, qu’il a déjà repris il y a quelques années.

Une manière de montrer que la plateforme de streaming qui a bouleversé le septième art peut aussi respecter ses traditions.

Cette rénovation est une sorte « d’acompte sur les 100 prochaines années » d’Hollywood, reprend M. Sarandos, de la part d’une jeune entreprise qui n’a « pas beaucoup contribué » au cinéma mondial lors du siècle dernier.

Le projet ne va toutefois pas éteindre les critiques des exploitants de salles.

Beaucoup d’entre eux reprochent à Netflix de refuser de sortir ses films au cinéma – ou seulement pour une durée très limitée -, alors que des concurrents comme Apple accordent désormais une vraie diffusion sur plusieurs semaines dans les salles obscures à de grosses productions comme « Killers of the Flower Moon ».

Mais M. Sarandos rejette ce débat.

« À bien des égards, le streaming a sauvé l’industrie du divertissement », rappelle-t-il. Et la rénovation de l’Egyptian Theatre « est aussi un symbole de cela. »

AFP

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