Sa position était devenue intenable : le ministre britannique de la Santé Matt Hancock, au cœur de l’action gouvernementale contre la pandémie, a démissionné samedi pour avoir violé les restrictions anti-COVID-19 au cours d’une liaison avec une conseillère, étalée dans tous les médias.
Il est remplacé par Sajid Javid, 51 ans, ancien ministre des Finances du premier ministre Boris Johnson, a annoncé Downing Street. Il revient ainsi au gouvernement après en avoir claqué la porte début 2020, mécontent des conditions imposées dans l’exercice de son portefeuille.
Cet ex-banquier et fils d’un ancien chauffeur de bus pakistanais avait auparavant été le premier membre d’une minorité ethnique à prendre la tête du ministère de l’Intérieur sous le gouvernement conservateur précédent de Theresa May.
Ce changement intervient à un moment critique pour le Royaume-Uni, endeuillé par plus de 128 000 morts et confronté à une flambée de contaminations par le coronavirus attribuée au variant Delta très contagieux. Le pays est engagé dans une course contre la montre pour vacciner le plus de monde possible avec l’objectif de lever en juillet les dernières restrictions encore en place.
« Être honnêtes »
« Nous nous devons d’être honnêtes envers les gens qui ont tant sacrifié pendant cette pandémie, quand nous les avons déçus comme je l’ai fait en enfreignant les consignes », a écrit Matt Hancock, 42 ans, dans sa lettre de démission remise à Boris Johnson, réitérant ses excuses.
Boris Johnson, qui avait initialement apporté son soutien à son ministre de la Santé, en poste depuis trois ans, s’est dit « désolé » de sa démission. « Vous devriez quitter vos fonctions très fiers de ce que vous avez réalisé, pas seulement en vous attaquant à la pandémie mais aussi avant que la COVID-19 ne nous frappe », lui a-t-il répondu.
Le tabloïd The Sun avait publié vendredi en une image tirée d’une caméra de surveillance montrant Matt Hancock, marié et père de trois enfants, embrasser Gina Coladangelo, une amie de longue date dont la discrète embauche avait déjà fait polémique, dans son bureau le 6 mai, à un moment où les accolades étaient interdites.
Reconnaissant avoir enfreint les règles, celui qui appelait très régulièrement les Britanniques à les respecter avait présenté des excuses et le chef de gouvernement lui avait réitéré sa confiance, jugeant le sujet « clos ». Mais le Sun a enfoncé le clou samedi, en diffusant sur son site internet une vidéo de la caméra de surveillance.
Face à cette affaire relayée par tous les médias, les appels à la démission s’étaient multipliés, dans l’opposition comme dans le camp conservateur au pouvoir. Ils ont finalement eu raison du ministre accusé d’hypocrisie.
« Matt Hancock a raison de démissionner. Mais Boris Johnson aurait dû le renvoyer », a réagi sur Twitter Keir Starmer, le chef du Parti travailliste, la principale formation d’opposition.
Conflit d’intérêts ?
Le Parti travailliste s’est aussi interrogé sur un possible conflit d’intérêts dans la nomination au ministère de Gina Coladangelo, une lobbyiste que Matt Hancock connaît depuis l’université et qui dirige actuellement la communication d’une chaîne de boutiques fondée par son mari. Cette nomination n’avait pas été déclarée avant d’être révélée par la presse.
Avant cette affaire, d’autres accusations embarrassantes visaient déjà Matt Hancock, qui s’est surtout fait connaître des Britanniques durant la pandémie, animant régulièrement les conférences de presse quotidiennes du gouvernement au plus fort de la première vague.
Lors d’une audition parlementaire en mai, l’ex-conseiller du premier ministre, Dominic Cummings, l’avait accusé d’avoir « menti » à plusieurs reprises et jugé qu’il aurait dû être « viré ». Mi-juin, il a affirmé, capture d’écran à l’appui, que Boris Johnson avait qualifié M. Hancock de « putain de nul » dans sa gestion de la pandémie.
Il a aussi été vivement critiqué pour le manque de matériel de protection pour les soignants au début de la crise ou, plus tard, pour l’opacité entourant l’attribution de certains contrats publics.
Diplômé des prestigieuses universités d’Oxford et de Cambridge, le quadragénaire avait pour la première fois été élu député pour le Parti conservateur en 2010.
Ce grand amateur de cricket, ancien économiste à la Banque d’Angleterre, était entré pour la première fois au gouvernement en 2012, où il a occupé différents portefeuilles.
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