Une semaine après la spectaculaire évasion des quatre « Dalton » du procès du massacre du 28 septembre 2009, en Guinée, de la prison centrale de Conakry, Claude Pivi est toujours introuvable. Pourtant, la cavale de ses codétenus que sont l’ex-président Moussa Dadis Camara, son secrétaire d’Etat à la Présidence chargé des services spéciaux, de la lutte anti-drogue et du grand banditisme, le colonel Moussa Tiégboro Camara et l’acolyte de ce dernier, le colonel Blaise Goumou, a tourné court.
En effet, ces trois fugitifs ont été vite alpagués et remis au cachot dans l’attente de la suite de leur procès, avec en sus de nouvelles poursuites engagées par le procureur militaire sur ordre du parquet général, pour assassinats, homicide involontaire et complicité, en lien avec les affrontements armés qui ont causé la mort d’une dizaine de personnes au cours des événements du 4 novembre dernier.
Pendant ce temps, l’ancien ministre de la Sécurité présidentielle de Moussa Dadis Camara, reste introuvable, comme s’il s’était volatilisé par enchantement. De quoi fouetter l’orgueil des autorités de Conakry qui ont déployé les grands moyens pour le retrouver.
Allant jusqu’à jeter aux trousses du fugitif, les forces spéciales d’unité d’élite aux côtés des forces de défense et de sécurité, pour passer au peigne fin la capitale guinéenne en commençant par les adresses connues du colonel radié.
Mais, entre fouilles de quartiers, perquisitions de domiciles et interrogatoires parfois musclés de proches du fugitif, les désagréments sur fond d’exactions contre des populations, ne manquent pas. Des agissements dénoncés par des citoyens et « fermement condamnés » par le Barreau de Guinée dont la déclaration fait état de « bavures et d’exactions sur des citoyens dont le seul tort serait d’avoir des liens » avec le wanted dont la tête a même été mise au prix fort de 50 000 euros pour toute personne qui donnera sa localisation.
Un scénario digne d’un film Western, qui traduit toute la détermination des autorités de la transition guinéenne à mettre, par tous les moyens, la main sur ce vétéran de la guerre en Sierra Leone et au Liberia qui prouve, par sa capacité à échapper à ses poursuivants, que sa réputation de combattant aguerri est loin d’être surfaite. Mais pendant combien de temps durera encore la cavale de Claude Pivi ? Pendant combien de temps pourra-t-il continuer à se cacher en faisant durer le suspense de cette traque digne d’un film hollywoodien ?
Comment tout cela finira-t-il ? Bien malin qui saurait répondre à ces questions. En attendant, le déploiement, par les autorités, des grands moyens, peut se comprendre, au regard de la réputation du fugitif qui est connu pour ne pas être un enfant de chœur. Mais ce qui se justifie le moins, ce sont les exactions en termes d’interrogatoires musclés, de tortures, d’interpellations sans mandat, etc., reprochés par de nombreux citoyens aux militaires dont les actes décrits par des témoins, font aussi cas de saccages et de pillages de maisons.
On peut s’interroger sur l’impact de cette évasion rocambolesque sur la suite du procès
Des dérives qui cachent mal la frilosité du pouvoir. Un manque de sérénité qui ne manque pas d’interroger au regard de la posture du fugitif qui, en dehors de ceux qui l’ont aidé à s’échapper, se retrouve pratiquement seul contre ses poursuivants. Est-ce alors l’honneur bafoué de tout une armée qui se montre incapable de retrouver un fugitif, fût-il Claude Pivi, en plein Conakry, qui justifierait l’irritabilité apparente des soldats lancés à ses trousses ?
Ou alors, Coplan, ainsi qu’on le surnomme, représenterait-il une menace pour la junte au pouvoir, au point de justifier le recours à ces méthodes dignes d’une autre époque pour le retrouver au plus vite ? Quoi qu’il en soit, ces abus des FDS sur des populations innocentes, ne sauraient se justifier. Et ce, même dans un Etat d’exception, car ce n’est pas parce qu’on a des liens de proximité avec un criminel que l’on est forcément comptable de ses méfaits.
C’est pourquoi les autorités guinéennes gagneraient à prendre en considération l’interpellation du Barreau pour rectifier le tir. Autrement, à trop persister dans les exactions contre de paisibles citoyens, le pouvoir risque de se mettre le peuple à dos. Au-delà, on peut s’interroger sur l’impact de cette évasion rocambolesque sur la suite du procès. Surtout en l’absence d’un personnage-clé comme Claude Pivi qui n’a visiblement pas fini ses déballages.
Si cela n’est pas un frein à la poursuite du procès, on peut se demander si ce ne sera pas un obstacle à la manifestation de la vérité. A moins que d’ici là, la traque du Vieux soldat produise les effets escomptés et se conclue par le ré-encagement de l’oiseau envolé, au plus grand soulagement des autorités, mais aussi des populations qui ne cessent de subir les conséquences et les désagréments d’une situation à laquelle elles sont totalement étrangères.
Le Pays