On le pleure à Kinshasa où il est né, à Brazzaville où il a été enseignant puis Premier ministre, mais aussi à Paris où il a passé plus de la moitié de sa vie. Retour sur un parcours exceptionnel.
L’écrivain congolais Henri Lopes, 86 ans, est décédé le 2 novembre à Suresnes, en France. L’ancien Premier ministre du Congo-Brazza et ancien ambassadeur à Paris a fait sa dernière apparition publique le 21 octobre dernier, lors du Rebranding Africa Forum, à Bruxelles, où il s’est vu décerné le prix «Lifetime Achievement Rebranding Africa Award», qui récompense la carrière exceptionnelle d’une personnalité qui aura contribué à faire rayonner positivement le continent africain.
Né en 1937 à Léopoldville, alors capitale de l’ancienne colonie belge, le Congo-Léopoldville, aujourd’hui République démocratique du Congo, Henri Lopes a fait ses études primaires à Brazzaville, au Congo d’en face, et à Bangui, en Centrafrique, avant de poursuivre ses études secondaires en France, et intégrer la Sorbonne pour devenir professeur. Etudes supérieures qu’il a terminées en 1963. En 1965, il rentre dans son pays d’origine et devient enseignant d’histoire à l’Ecole normale supérieure d’Afrique centrale à Brazzaville. Un an après, il est nommé Directeur général de l’enseignement.
En 1969, après la fondation du Parti congolais du travail (Pct, toujours au pouvoir), Henri Lopes entre au gouvernement comme ministre de l’Education nationale. En 1972, il devient ministre des Affaires étrangères, puis Premier ministre le 28 juillet 1973. Mais face aux nombreux soubresauts sociopolitiques que connaît le Congo-Brazzaville, il est remercié le 18 décembre 1975. Réputé homme de consensus et de dialogue, Henri Lopes revient toutefois au gouvernement comme ministre des Finances de 1977 à 1980.
A partir de 1981, il travaille pour l’Unesco où il est Directeur général adjoint pour la culture et les relations extérieures de 1982 à 1998. En octobre 1998, il quitte l’organisation onusienne et est nommé ambassadeur de la République du Congo en France pendant 17 ans, avant de prendre sa retraite de la scène politique en 2015.
Homme politique, mais avant tout amoureux de la culture et écrivain avec de nombreux ouvrages à son actif dont certains sont devenus des classiques de la littérature africaine d’expression française, il est, en 2002, candidat au poste de Secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif), soutenu par le Président congolais, Denis Sassou-N’Guesso, et son homologue gabonais, Omar Bongo Ondimba, pour succéder à l’Egyptien Boutros Boutros-Ghali.
Mais le Sommet de Beyrouth, au Liban, sur recommandations non dissimulées du Président français Jacques Chirac, lui a préféré l’ancien chef de l’Etat sénégalais Abdou Diouf. Son passé d’homme politique actif dans une période troublée et sanglante du Congo y est certainement pour quelque chose. «Ce sont les chefs d’Etat qui décident le jour J à la fois de la personne et de la feuille de route qu’elle sera tenue d’appliquer», se contentera de déclarer Henri Lopes.
Or, c’était la deuxième tentative infructueuse de ce dernier. En effet, dès 1997, l’écrivain était dans les starting-blocks pour devenir le patron de la Francophonie. Lors du sommet qui se tenait alors à Hanoï, le même Jacques Chirac lui avait déjà préféré l’ancien patron de l’Onu, Boutros Boutros-Ghali.
En 2014, à Dakar, celui qui est né dans une famille où s’entrecroisent ascendances belge, française et congolaise, est à nouveau le candidat de l’Afrique au poste de Secrétaire général de l’Oif.
Là encore, François Hollande, le Président français d’alors, lui a préféré Michaëlle Jean, ex-Gouverneure générale du Canada, d’origine haïtienne. Cela lui est resté en travers de la gorge. Ce 30 novembre 2014, de retour au Radisson-Blu Hôtel où nous logions, dépité, il m’avait alors confié : «La Rdc a été loyale en votant pour moi.» De mon côté, je pensais à la nuit blanche qu’il allait passer. Depuis, il s’est retiré de la vie publique, se consacrant à la littérature.
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