Olaf Scholz reçoit Recep Tayyip Erdogan à Berlin malgré ses diatribes contre Israël

Le chancelier Olaf Scholz accueille, vendredi, Recep Tayyip Erdogan pour une visite hautement controversée en Allemagne après les diatribes du président turc contre Israël, qu’il a accusé d’agir comme un État « terroriste » dans sa guerre contre le Hamas.

La première visite en Allemagne de Recep Tayyip Erdogan depuis 2020 s’annonce sensible. Le chancelier Olaf Scholz accueille, vendredi 17 novembre, le président turc pour une visite hautement controversée après ses diatribes contre Israël – qu’il a accusé d’agir comme un État « terroriste » dans sa guerre contre le Hamas.

Le dirigeant doit se poser « vers midi » à l’aéroport de Berlin puis rencontrer son homologue Frank-Walter Steinmeier avant de se rendre à la chancellerie pour une discussion avec Olaf Scholz suivie d’un dîner, à l’issue duquel il doit rentrer en Turquie. Une « rencontre avec la presse » des deux dirigeants est prévue, avant leur entretien.

Dans un pays qui a élevé l’existence de l’État hébreu au rang de « raison d’État » compte tenu de sa responsabilité dans la Shoah, recevoir un dirigeant qui, il y a une semaine, a paru remettre en question la « légitimité » d’Israël relève de l’exercice d’équilibriste.

Recep Tayyip Erdogan s’était posé en médiateur potentiel dans les premiers jours de la guerre entre Israël et le Hamas après l’attaque meurtrière du 7 octobre. Mais il a, ensuite, pris fait et cause pour le mouvement islamiste au fil des bombardements massifs lancés en riposte par l’armée israélienne contre la bande de Gaza.

Pressions pour l’annulation de la visite
Deux jours avant sa venue à Berlin, lors d’un discours devant les députés turcs, il a qualifié Israël d' »État terroriste » et accusé les États-Unis et ses alliés occidentaux de soutenir « ouvertement les massacres » à Gaza. Il y a une semaine, il avait jugé que la légitimité même de l’État d’Israël était « remise en question en raison de son propre fascisme ».

Ces propos ont choqué en Allemagne. Olaf Scholz les a qualifiés mardi d' »absurdes » et a défendu « l’État démocratique » d’Israël contre « l’organisation terroriste » du Hamas. Des voix, notamment d’associations juives, se sont élevées pour exiger l’annulation pure et simple de sa venue, prévue depuis plusieurs mois. Le chancelier l’avait invité après sa réélection en mai.

L’opposition conservatrice a jugé le moment inadéquat pour une visite, de même que le parti libéral FDP, membre de la coalition gouvernementale avec les sociaux-démocrates du SPD et les Verts. Malgré les pressions, le gouvernement n’a jamais envisagé d’annuler.

La diplomatie exige d’avoir parfois à discuter avec des « partenaires difficiles » avec lesquels « nous devons nous expliquer », a justifié le porte-parole du chancelier, Steffen Hebestreit, reconnaissant que les discussions s’annonçaient « compliquées ».

Un interlocuteur incontournable et influent
L’Allemagne « n’a aucun intérêt à se brouiller avec (lui) alors que Berlin et Ankara se sont récemment rapprochés » après une période de vive tension suivant la répression en Turquie après le coup d’État de 2016, souligne par ailleurs Der Spiegel.

D’abord parce que la première économie européenne abrite une large diaspora turque de quelque 2,9 millions de personnes, dont 1,5 d’électeurs qui soutiennent en majorité Erdogan.

Ensuite le pays – et l’UE dans son ensemble – a besoin de lui pour renouveler le pacte signé en 2016 pour contenir l’arrivée des migrants, alors que le Vieux Continent connaît une nouvelle vague d’arrivées en provenance d’Afghanistan ou de Syrie qui nourrit, notamment en Allemagne, une envolée de l’extrême droite dans les sondages d’opinion. Selon cet accord, la Turquie retient les migrants, syriens principalement, sur son sol, moyennant une importante contrepartie financière.

Si le président turc a conservé sa ligne autoritaire, son influence accrue au niveau géopolitique en fait de façon générale un interlocuteur incontournable pour Berlin. Dans la guerre russe en Ukraine lancée en février 2022, il fut notamment un artisan de l’accord garantissant l’exportation de céréales ukrainiennes via la mer Noire, avant que Moscou ne le dénonce cet été.

Aujourd’hui, les puissances occidentales lui prêtent aussi un rôle à jouer pour éviter un embrasement du conflit au Proche-Orient, ce qui, selon la cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock, rend le dialogue encore « plus important et plus urgent ».

AFP

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