La campagne pour les élections présidentielle et législatives du 20 décembre en République démocratique du Congo a officiellement débuté dimanche dans un climat marqué par des tensions politiques et un conflit armé dans l’est du pays. Quelque 44 millions d’électeurs sont appelés à voter pour élire un nouveau président, mais aussi des députés nationaux et provinciaux.
C’est officiel. Des dizaines de milliers de candidats, dont 25 pour la présidence, se sont lancés dimanche 19 novembre dans une campagne électorale d’un mois en République démocratique du Congo, dans un climat politique tendu et sur fond de conflit armé dans l’est de cet immense pays.
Vingt-six candidatures ont été enregistrées pour la présidentielle, mais un opposant, l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo, a annoncé dans la soirée son désistement en faveur de l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi.
Ces derniers mois, les poids lourds de l’opposition n’ont pas attendu pour aller motiver leurs bases, pendant que le président Félix Tshisekedi, candidat à un second mandat, multipliait les inaugurations et que son équipe vantait son bilan dans de multiples domaines.
Mais la campagne est maintenant officielle et s’intensifie, avec de grandes réunions populaires, des caravanes, passages dans les médias, affiches et tracts portant les numéros attribués aux candidats par la commission électorale.
Félix Tshisekedi lui-même a vu les choses en grand dès le premier jour, avec un meeting au stade des Martyrs à Kinshasa, au maximum de sa capacité de 80 000 personnes.
Dans le même temps, un de ses principaux challengers, Martin Fayulu, haranguait les foules dans une province voisine.
Difficultés logistiques
Le 20 décembre, près de 44 millions d’électeurs inscrits, sur une centaine de millions d’habitants, sont appelés à élire leur président, mais aussi à choisir parmi 25 832 candidats aux législatives, 44 110 candidats aux élections provinciales et 31 234 aux municipales.
Un record, souligne la Commission électorale (Céni), se disant déterminée à organiser les élections en temps et en heure, en dépit des difficultés logistiques dans un pays de 2,3 millions de km2 aux infrastructures très limitées.
« Il y a un agenda politique qui veut des élections dans les délais, mais il y a des doutes sur la capacité technique », relève Trésor Kibangula, analyste politique à l’institut de recherche Ebuteli.
« Sur le plan organisationnel, la Céni n’inspire pas confiance », pense Sylvain Lesoye, un prêtre interrogé dans une commune périphérique de Kinshasa, qui évoque notamment la mauvaise qualité de cartes d’électeurs dont les inscriptions et photos se sont effacées.
« La Céni sait que c’est un défi qu’elle doit relever, il y va de sa crédibilité », estime de son côté le politologue Jean-Luc Kong. « Ce qui fait peur, c’est la crise dans l’Est. »
Le M23 « ne prendra pas Goma »
Les violences de groupes armés durent depuis près de trente ans dans la région, qui connaît un pic de crise avec le retour sur scène d’une ancienne rébellion (le M23) – soutenue par le Rwanda voisin – qui s’est emparée de larges pans du Nord-Kivu.
À cause du conflit, deux territoires de la province ne vont pas pouvoir voter normalement, mais si la capitale provinciale, Goma, venait à tomber, c’est tout le processus qui serait compromis.
Le M23 « ne prendra pas Goma », affirme Félix Tshisekedi, qui a fait du retour de la paix une priorité, pendant qu’il s’engageait aussi à améliorer le quotidien des Congolais, diversifier l’économie, construire des routes et bâtiments publics, respecter la liberté de la presse et d’expression.
L’ensemble est mitigé, selon les analystes, catastrophique selon l’opposition, qui brosse un tableau très sombre de la situation et crie d’emblée à la fraude organisée.
Vers une candidature commune de l’opposition ?
Outre Martin Fayulu, qui affirme que la victoire lui a été volée en 2018, les principaux candidats de l’opposition sont Moïse Katumbi, ancien gouverneur de la région minière du Katanga, le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018 pour son action en faveur des femmes violées, deux anciens Premiers ministres.
Les représentants de cinq d’entre eux se sont réunis cette semaine en Afrique du Sud pour étudier l’éventualité d’une candidature commune face au président sortant qui part favori, d’autant plus dans une élection à un seul tour.
Un programme commun a été adopté, mais par les émissaires de seulement quatre candidats, le camp Fayulu n’ayant pas adhéré au projet.
Sur l’intérêt de se rendre aux urnes, les électeurs sont partagés. Eunice, 20 ans, étudiante en géographie, va voter pour la première fois et se dit « heureuse » de le faire pour le candidat de son choix, dont elle attend qu’il « améliore les conditions de vie ».
Ezechiel, un autre étudiant de 24 ans en informatique de gestion, est désabusé. Il y aura « la fraude, comme en 2018 », lâche-t-il. D’ailleurs, « je n’irai pas perdre mon temps au centre de vote ».
AFP