Au Sénégal, victimes de la concurrence des chalutiers, les pêcheurs artisanaux sont privés de leurs moyens de subsistance. Ils sont donc de plus en plus tentés par l’aventure vers l’Europe.
Ababacar Diop, dans la quarantaine, s’apprête à prendre le large pour une partie de pêche au Sénégal.
Un départ non sans appréhensions, le poisson se faisant de plus en plus rare en raison de la surpêche, de la concurrence des armements industriels et du réchauffement climatique. Alors que l’activité dans le pays c’est 3,2% du PIB, plus de 10% des exportations et peut-être jusqu’à 600.000 emplois directs ou indirects selon le département américain de l’Agriculture.
« S’il n’y avait pas les gros bateaux de pêche que vous voyez derrière moi, nous n’aurions pas à travailler si dur pour attraper du poisson et vivre décemment de la pêche. À cause de ces chalutiers, nous avons du mal à atteindre le poisson.
Il y a quelques années, nous partions en mer vers 6 heures du matin et revenions vers 17 ou 18 heures, mais aujourd’hui, nous devons revenir vers 11 ou 10 heures du matin parce que nous perdons notre temps avec des miettes. Nous sommes habitués à revenir les mains vides », explique le pêcheur.
Face à cette période de vache maigre, le départ vers l’Europe devient l’alternative pour cette communauté. A Thiaroye, dans la banlieue de Dakar, des dizaines de pirogues tirées sur le rivage ont été abandonnées par des travailleurs de la mer qui ont pris la route de l’Europe. Des habitants des localités qui jalonnent les centaines de kilomètres de côtes sénégalaises notamment.
« En mer, ces jeunes me parlent de leur désir d’aller en Europe. Il devaient prendre les bateaux s’ils en avaient les moyens. Toutes ces pirogues en bord de mer ont été abandonnées par des pêcheurs partis en Europe. Ne pouvant plus subvenir à leurs besoins à cause de la rareté du poisson », explique Ibrahima Diouf, pêcheur.
Alors que la pêche industrielle tire son épingle du jeu, le volume des captures par pirogue a, lui, diminué de 58% entre 2012 et 2019 selon l’ONG Environmental Justice Foundation. La pêche artisanale subit ainsi la concurrence des grands bateaux battant pavillon sénégalais ou étranger. Ne laissant plus de choix au pêcheurs artisanaux.
« Parce que si les pêcheurs décident de ne pas partir, personne ne pourra partir. Donc je pense que le nœud du problème, c’est la pêche. Si on pouvait trouver des solutions pour que les pêcheurs puissent vivre décemment au Sénégal, il n’y aurait plus d’immigration clandestine. »
Difficile d’établir les statistiques globales de cette migration clandestine, du nombre de Sénégalais interceptés sur la route des Canaries et des pêcheurs parmi eux. La Marine sénégalaise, disait fin octobre avoir stoppé en deux semaines 26 pirogues transportant plus de 3 800 candidats à l’émigration.
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