Un homme et une femme ont péri noyés mercredi dans le naufrage de leur embarcation en tentant de traverser la Manche pour rallier l’Angleterre. Ces deux nouveaux décès interviennent deux ans presque jour pour jour après le pire drame survenu dans la Manche, lorsque 27 migrants étaient morts en 2021.
Une embarcation de migrants a chaviré dans la Manche mercredi 22 novembre peu après être partie vers 13h30 d’une plage entre Neufchâtel-Hardelot et Equihen-Plage (Pas-de-Calais), a indiqué à l’AFP le procureur de Boulogne-sur-Mer, Guirec Le Bras. Une femme et un homme sont morts noyés, tandis que les autres naufragés ont été secourus et ramenés sur le sol français.
Près de 60 personnes, originaires majoritairement du Soudan et d’Érythrée, étaient à bord du canot, assure à InfoMigrants une source policière. Parmi elles, 19 femmes et un enfant.
Selon la préfecture maritime de la Manche et de la Mer du nord (Premar), le canot s’est trouvé en difficulté « à moins d’un kilomètre de la plage ».
Six bateaux ont été mobilisés, ainsi qu’un hélicoptère, afin de localiser les deux disparus, qui n’ont ensuite pas pu être réanimés.
Trois personnes hospitalisées, dont deux femmes
Au port de Boulogne-sur-Mer, une tente a été montée pour accueillir les rescapés, dont certains étaient enroulés dans des couvertures de survie mercredi soir, au milieu de véhicules de la protection civile et des pompiers, a constaté un correspondant de l’AFP. Plusieurs d’entre eux étaient en état d’hypothermie.
Trois exilés ont été hospitalisés – deux femmes enceintes et un migrant hélitreuillé hors de l’eau – d’après les pompiers, qui précisent avoir mis à l’abri une fillette de sept ans.
Une enquête pour « homicide involontaire aggravé » et « aide au séjour d’un étranger en situation irrégulière » a été ouverte. Deux personnes, qui conduisaient le bateau, ont été placées en garde à vue, toujours selon une source policière.
Ce jour-là, plusieurs embarcations sont parties de la même plage malgré la présence des gendarmes, qui n’ont pas réussi à empêcher tous les départs. Au total, 90 migrants ont été secourus dans le détroit du Pas-de-Calais pour la seule journée de mercredi, signale la Premar.
Près de 20 morts ces quatre derniers mois dans le nord de la France
Ces nouveaux décès portent à huit le nombre de morts depuis le début de l’année dans la Manche « en lien avec le phénomène migratoire », signale la Premar. Les autres remontent au 12 août, quand six Afghans de 21 à 34 ans ont perdu la vie en mer en tentant de rejoindre le Royaume-Uni sur une embarcation de fortune.
L’association Utopia 56 a enregistré quant à elle 18 morts ces quatre derniers mois dans la région. « Noyés lors d’une tentative de traversée ou dans un étang en essayant de se laver, renversé ou tombé d’un camion sur l’autoroute, poignardé dans un règlement de compte ou dans un conflit pour un repas », précise Utopia 56 dans un communiqué, comparant Calais à un « tombeau pour notre humanité ».
« Face à ces frontières issues d’un système qui tue et qui blesse au nom d’un confort et d’une menace imaginaire, nous sommes dépassés », écrit encore l’association.
Olivier Ternisien, président d’Osmose 62 qui vient en aide aux exilés dans le Boulonnais, estime que la présence croissante des gendarmes sur le littoral au moment des départs « renforce les prises de risque » des migrants. Jamais auparavant ils n’auraient tenté de prendre la mer sur « une fenêtre météo aussi courte » que celle de mercredi, dit-il à l’AFP.
Calais, un tombeau pour notre humanité. pic.twitter.com/qNoyZnJs0Z
— Utopia 56 (@Utopia_56) November 22, 2023
« Il n’y a toujours pas de voie de passage sûre et légale pour les personnes qui tentent de gagner l’Angleterre et les stratégies de militarisation de la côte ne servent qu’à faire prendre plus de risques », abonde Julie, une coordinatrice d’Utopia 56 à Calais, qui ne souhaite pas donner son nom.
Ces dernières années, la France, avec l’aide financière du Royaume-Uni, a intensifié les patrouilles le long des côtes du nord de la France afin de stopper les départs de migrants.
Ces deux décès interviennent deux ans presque jour pour jour après le drame le plus meurtrier jamais survenu dans la Manche. Le 24 novembre 2021, 27 migrants majoritairement kurdes sont morts dans le naufrage de leur embarcation, en route vers le Royaume-Uni.
Une enquête a révélé de graves dysfonctionnements des secours français dans cet accident : les autorités françaises sont soupçonnées d’avoir été appelées à l’aide à une quinzaine de reprises et de n’avoir envoyé aucune aide. Cinq militaires du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) Griz-Nez, accusés de non-assistance à personne en danger, ont été mis en examen dans cette affaire.
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