MARCHÉ : AFFAIRE EADS, FAUX COMMUNIQUÉ VINCI… LES SANCTIONS LES PLUS MARQUANTES DE L’AMF DEPUIS 20 ANS

Le gendarme de la Bourse fête cette année ses 20 années d’existence. Parmi ses organes les plus redoutés par les intervenants: la Commission des sanctions, qui condamne toute personne ou société dont les pratiques sont contraires au bon fonctionnement des marchés financiers et à l’intérêt des investisseurs.

En vingt ans d’existence, la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF), bras armé du gendarme boursier, a vu passer devant elle grands patrons, médias, et géants de la finance.

L’ouverture au public des séances de la Commission des sanctions en 2010 a contribué à donner davantage d’écho à ses sanctions, qui peuvent entacher tant la réputation que les finances des acteurs de marchés épinglés. Retour sur les dossiers emblématiques.

L’affaire EADS, une sanction fondatrice
En 2006, l’AMF identifie en début d’année de nombreuses cessions d’actions concernant le titre EADS, notamment effectuées par des dirigeants de l’entreprise et de sa filiale, Airbus. En mai, l’AMF ouvre une enquête, soupçonnant plusieurs personnes d’avoir bénéficié d’informations privilégiées.

En juin, coup de tonnerre à la Bourse de Paris, Airbus annonce de nouveaux retards de livraison de l’avion géant A380 et le titre EADS plonge de plus 26%. En 2008, après deux ans d’instruction, le rapport final de l’Autorité conclut à la responsabilité de 17 dirigeants d’EADS et d’Airbus. Mais le 17 décembre 2009, à la surprise générale, la Commission des sanctions blanchit l’ensemble des mis en cause.

Dès l’année suivante, une loi réforme en profondeur l’ensemble de la procédure de poursuite et de sanction de l’AMF: le président de l’AMF peut désormais faire appel devant le Conseil d’État d’une décision de la Commission des sanctions, possibilité qui était jusque-là réservée aux parties.

De plus, le plafond des sanctions pécuniaires est multiplié par dix. C’est également depuis cette affaire que pour répondre aux préoccupations concernant la transparence des procédures, les audiences et les décisions de la Commission des sanctions sont devenues publiques.

Autre bouleversement, depuis l’affaire EADS, un délit d’initiés ne peut être poursuivi à la fois par l’AMF et la justice pénale, d’après une décision du Conseil constitutionnel.

La discrète montée de LVMH au capital d’Hermès
En 2010, LVMH annonce détenir 17% du capital d’Hermès, surprenant le marché et les autorités boursières faute de déclaration de franchissement de plusieurs seuils réglementaires, pourtant obligatoire. LVMH avait réalisé son opération, en toute discrétion, grâce à la conversion en actions de produits financiers complexes.

En 2013, LVMH est condamné à payer une amende de 8 millions d’euros, un record à l’époque, mais un montant très faible au regard de la force de frappe financière du géant du luxe.

Preuve en est, un an après sa sanction et après quatre ans de bataille entre les deux géants, LVMH entérine son retrait du capital d’Hermès et empoche au passage une plus-value de… 2,4 milliards d’euros.

« On aimerait bien des punitions de ce genre tous les jours », avait ironisé le vice-président de LVMH de l’époque, Pierre Godé, devant les actionnaires lors d’une assemblée générale en novembre 2014.

Le faux communiqué de presse Vinci relayé par Bloomberg
Novembre 2016, plusieurs médias reçoivent un communiqué qui semble avoir été envoyé par le groupe Vinci, annonçant de prétendues irrégularités dans les comptes du groupe de BTP et le licenciement de son directeur financier.

Dans la foulée, l’agence financière américaine Bloomberg reprend ces éléments, qu’elle corrigera rapidement, mais trop tard, la fausse information faisant brièvement chuter l’action de Vinci de plus de 18%.

Bloomberg a été condamné en 2019 à payer une amende de 5 millions d’euros pour diffusion d’une fausse information, ramenée à 3 millions d’euros par la cour d’appel de Paris. C’est la plus grosse sanction prononcée à l’égard d’un média devant la Commission des sanctions.

L’amende record contre H2O
Le gérant d’actifs H2O a traversé une zone de fortes turbulences à partir de 2019 à la suite d’un article du Financial Times mettant en doute la qualité de certains des placements proposés.

Au coeur de l’affaire: des investissements dans la holding financière Tennor, liés à l’homme d’affaires allemand controversé Lars Windhorst. H2O a été par la suite contraint de suspendre des fonds à l’été 2020 en raison de doutes sur leur valorisation, privant les épargnants de la capacité à récupérer leur mise.

En janvier 2023, la Commission des sanctions, évoquant de graves « manquements » aux obligations professionnelles au détriment de milliers d’épargnants, a infligé une amende record de 75 millions d’euros pour H2O auxquels s’ajoutent 18 millions pour deux de ses dirigeants.

Des recours ont été déposés devant le Conseil d’État par l’entreprise et les deux fondateurs.

AFP

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