LA FRANCE DÉPENSE LE PLUS POUR LA SANTÉ DANS L’UE (MAIS 6 FRANÇAIS SUR 10 JUGENT QUE LE SYSTÈME FONCTIONNE MAL)

Selon les données de la Commission Européenne, la France a consacré 10% de son PIB en dépenses de santé en 2022, contre 8,1% en moyenne dans l’UE.

C’est un des nombreux paradoxes français. Alors que l’hôpital français est en crise, que de nombreux services d’urgence manquent de personnel, que la médecine de ville a multiplié les grèves en 2023, le pays reste en Europe le plus dépensier en matière de protection sociale de santé.

Avec 10% du PIB consacré aux dépenses de maladie et de santé selon les données de la Commission Européenne, la France est restée en 2022 devant l’Allemagne qu’elle a dépassée il y a deux ans (9,7% en 2022). L’État français consacre même près de 2 points de plus de PIB que la moyenne des pays de l’UE.

En 2022, les dépenses de protection sociale en matière de maladie et de santé, mesurées en pourcentage du PIB, s’élevaient ainsi à 8,1% au niveau de l’UE, reflétant une diminution de 0,4 point de pourcentage par rapport à 2021 (8,5%). Outre la France et l’Allemagne, seules deux autres nations sont au-dessus de la moyenne européenne, il s’agit de la Slovénie (8,6%) et de l’Autriche (8,5%). Derrière, on trouve la Belgique (7,8%), l’Espagne (7,7%) et même la Suède (7,6%) et le Danemark (6,1%).

Il s’agit là de dépenses publiques en matière de santé. La France est le pays où le reste à charge des ménages est le plus faible au sein de l’OCDE avec seulement 8,9% de la dépense courante de santé au sens international (DCSi), selon la Drees, contre 14% en moyenne dans l’UE et par exemple 12% en Allemagne, 13% au Royaume-Uni ou encore 22% en Italie.

En ajoutant dépenses privées et publiques en matière de santé, la France se situe tout de même avec 11,9% du PIB au troisième rang mondial derrière les Etats-Unis (18,2%) et l’Allemagne (12,6%) mais devant le Japon (11,7%), le Royaume-Uni (11,3%) ou encore les Pays-Bas (11,2%) mais aussi deux pays qui ont un niveau élevé de protection sociale comme la Suède (10,6%) et le Danemark (9,5%).

Plus d’effectifs dans les hôpitaux français
Pourtant les Français jugent sévèrement leur système de santé. 58% des Français considèrent que le système de santé en France fonctionne mal, dont 38% assez mal et 20% très mal, selon un sondage Elabe pour l’Institut Montaigne paru en ce mois de novembre.

Accusant les pouvoirs publics de ne pas y consacrer suffisamment de moyens, les Français sont par ailleurs majoritairement opposés au doublement de la franchise médicale qui devrait passer de 50 centimes à 1 euro au 1er janvier prochain. 63% des Français jugeant cette mesure inacceptable.

Comment expliquer ce décalage entre la perception des Français et les moyens consacrés par le pays à la santé?

« C’est paradoxal, reconnaissait en avril dernier dans Le Point François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes et fondateur de Fipeco. On peut relativiser quelque peu ce sentiment, car, compte tenu des progrès de la médecine et de l’amélioration du matériel médical, nous sommes mieux soignés aujourd’hui qu’il y a vingt ans.

Mais il y a tout de même des problèmes réels et identifiés depuis longtemps: la mauvaise coordination entre l’hôpital et la médecine de ville, le fonctionnement en silos du ministère de la Santé, le manque de communication entre hôpitaux publics et cliniques privés, l’inégalité forte des offres de soin d’un territoire à l’autre. »

Selon cet expert de la dépense publique, les hôpitaux français par exemple emploieraient beaucoup plus de personnel non soignant que les autres pays. Ils représentent 34% des effectifs hospitaliers en France contre 26% en Italie, 25% en Allemagne ou encore 24% en Espagne. Résultat: près de 5% de l’emploi total en France se concentre dans l’hôpital (autant que les quatre plus gros employeurs privés du pays) contre 3,2% en Allemagne, 2,7% en Italie ou 3% en Espagne. Ainsi, malgré des dépenses de personnel très importantes, les Français ont le sentiment d’être mal soignés.

« Selon moi, il y a un problème culturel, analyse François Ecalle. On demande au système de santé, comme aux autres services publics, de faire beaucoup de choses différentes, sans pour autant fixer des priorités. À chaque fois qu’un problème se présente, on crée une nouvelle dépense, une nouvelle mission ou une nouvelle norme, sans en évaluer l’impact. »

bmftv

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