SIDA : 11 personnes diagnostiquées VIH par semaine en Belgique, ça augmente ou ça diminue ?

En 2022, 597 personnes ont reçu un nouveau diagnostic de VIH en Belgique. Cela représente une augmentation de 14% par rapport à 2021. Mais attention, les chiffres sont parfois trompeurs, et le Covid y est pour quelque chose : si on compare avec la situation avant la pandémie, la courbe des infections diminue.

C’est d’ailleurs la tendance depuis une décennie en Belgique et cela se vérifie ailleurs en Europe. Autre enseignement des divers rapports publiés à la veille de la journée mondiale contre le Sida, le contact hétérosexuel est devenu une voie de transmission du VIH fort répandue en 2022, en particulier chez les femmes.

Etre séropositif au VIH ne signifie pas avoir le Sida

Chaque semaine, on enregistre en Belgique 11 nouveaux cas de VIH, le virus de l’immunodéficience humaine, un virus qui attaque progressivement le système immunitaire, c’est-à-dire les défenses de l’organisme contre les microbes. Cela ne veut pas dire que les personnes infectées au VIH ont le Sida.

On parle de Sida, le syndrome d’immunodéficience acquise, quand un porteur du VIH développe diverses maladies en raison de cette baisse d’immunité. Bref, quand une personne a le Sida, c’est qu’elle est déjà forcément infectée par le VIH. Mais toutes les personnes séropositives au VIH ne développent pas nécessairement le Sida.

Cela étant dit, quelle est la tendance en Belgique ?

En prélude à la journée contre le Sida du 1er décembre, Sciensano vient de faire le point. 597 nouveaux cas ont été diagnostiqués en 2022, c’est 14% de plus qu’en 2021 mais moins qu’en 2019. Des chiffres qui fluctuent selon les publics concernés ?

Ainsi, parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), en particulier ceux de nationalité belge, le nombre de nouveaux diagnostics de VIH a diminué par rapport à 2021, renouant avec la tendance à la baisse des années précédentes. Pour Sciensano,  » cela semble indiquer l’efficacité des stratégies de prévention en place, en particulier le traitement préventif contre le VIH (la PrEP) « .

Mais chez les HSH de 20 à 29 ans, principalement belges et latino-américains, on observe une augmentation importante des diagnostics pour la deuxième année consécutive.  » Cela souligne la nécessité d’optimiser l’accès et l’utilisation de toutes les stratégies de prévention dans cette population jeune et diversifiée, y compris l’utilisation de la PrEP « .

En ligne de mire, les hétérosexuels et les femmes, notamment ukrainiennes

Selon les chiffres de Sciensano, on observe en 2022 une augmentation des diagnostics chez les femmes hétérosexuelles de nationalité africaine subsaharienne. Cette augmentation suit une forte diminution en 2020 et 2021. Divers facteurs liés à la migration et à l’accessibilité aux soins de santé peuvent expliquer cette évolution fluctuante.

Il est possible qu’à la suite de l’épidémie de Covid-19, la dynamique migratoire et l’accès au dépistage aient été perturbés et qu’un certain rattrapage ait eu lieu en 2022. Il est donc nécessaire d’accorder à cette population une attention particulière dans les stratégies de prévention, de dépistage précoce du VIH et d’accès rapide aux soins et traitement.

Pour la première fois cette année, la surveillance VIH distingue :

  • _les personnes nouvellement diagnostiquées
  • _et les personnes, principalement étrangères, diagnostiquées ou en soins pour le VIH dans un autre pays avant la confirmation de leur diagnostic en Belgique.

Cela signifie qu’en 2022, outre les 597 personnes ayant reçu un nouveau diagnostic de VIH, 455 personnes ont reçu la confirmation d’un diagnostic de VIH préexistant. Un quart d’entre elles étaient des personnes de nationalité ukrainienne, principalement des femmes, qui ont fui la guerre dans leur pays. La priorité pour ces personnes est l’accès rapide aux soins pour le VIH en Belgique.

La prévention, plus que jamais !

En 2022, on estimait à 19.230 le nombre de personnes vivant avec le VIH en Belgique. Parmi ces personnes séropositives au VIH, 97% étaient diagnostiquées. Parmi elles, 94% étaient sous traitement antirétroviral et parmi celles-ci, 98% avaient une charge virale supprimée, cela signifie que 89% de l’ensemble des personnes vivant avec le VIH avaient une charge virale supprimée. La Belgique a donc atteint les objectifs “95-95-95” de l’ONUSIDA (lien ici) concernant le continuum de soins pour le VIH.

Il faut savoir que les patients dont la charge virale est indétectable ont un pronostic plus favorable et ne peuvent plus transmettre le virus lors de contacts sexuels, ce qui contribue à la prévention de nouvelles infections par le VIH.

Selon Sciensano,  » afin de progresser dans le contrôle de l’épidémie du VIH en Belgique, il est nécessaire d’améliorer encore l’utilisation de la prévention combinée pour les personnes exposées au risque d’infection. « 

Les recommandations de Sciensano

Pour progresser davantage dans la lutte contre le VIH dans notre pays, la triple priorité établie par les spécialistes est de :

  • _réduire encore le nombre de nouvelles infections par le VIH
  • _diagnostiquer rapidement les personnes vivant avec le VIH
  • _commencer rapidement leur traitement.

Dans cette optique, il est important que Sciensano surveille de manière continue la situation épidémiologique du VIH afin d’informer le public et les professionnels de la santé et de fournir le soutien nécessaire à la préparation des interventions et à l’élaboration des stratégies en politique de santé.

La chercheuse de Sciensano, Dominique Van Beckhoven :  » Malgré les progrès réalisés ces dernières années, l’épidémie du VIH en Belgique n’est pas encore sous contrôle. Par exemple, l’augmentation du nombre de diagnostics chez les jeunes HSH mérite notre attention. Il est essentiel de progresser encore en ce qui concerne le diagnostic précoce et l’utilisation effective de l’éventail des stratégies de prévention, notamment l’utilisation de la PrEP, par les personnes exposées au risque d’infection par le VIH.

Pour cela, il est nécessaire de procéder à certaines adaptations, par exemple en intensifiant les activités de dépistage dans les villes et les milieux où le VIH est plus présent mais aussi en approchant de manière proactive les populations clés, afin d’optimiser l’utilisation de la prévention combinée. « 

La plateforme Prévention Sida : il y a toujours un manque d’information

Pour la Plateforme Prévention SIDA, l’important est de poursuivre et de renforcer les efforts puisque le nombre de nouvelles infections au VIH reste encore à un niveau trop élevé.

 » Aujourd’hui encore, les différents outils (Préservatifs- Dépistages -Traitements) de la prévention combinée restent les plus efficaces pour réduire au maximum les nouvelles infections au VIH. Mais malheureusement, ces outils restent encore trop peu connus ou peu utilisés. « 

La plateforme constate en effet un manque d’informations et de connaissances sur le VIH :  » beaucoup de personnes ne sont pas suffisamment informées sur les modes de transmission et sur les différentes options de prévention combinée du VIH, ce qui peut entraîner des comportements à risques et limiter leurs capacités à prendre des décisions éclairées. 

Il est essentiel que les informations et les programmes de prévention soient adaptés aux besoins des publics cibles (linguistiquement, culturellement, …). Dans ce contexte, l’Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle joue un rôle important pour sensibiliser les jeunes et les préparer à leur vie sexuelle présente et future « .

Autre point d’accroche qui limite la circulation de l’information,  » la stigmatisation et la discrimination liées au VIH et à la sexualité peuvent décourager les individus à rechercher des services de prévention et à vouloir connaître leur statut sérologique. La peur d’être jugé.e ou rejeté.e par la société peut être une barrière significative. Pourtant une personne vivant avec le VIH, qui est sous traitement et qui a une charge virale indétectable, ne transmet plus le VIH. « 

La meilleure prévention reste l’usage du préservatif

Les politiques de prévention ont beau répéter le message depuis des lustres, se protéger et se faire dépister sont indispensables mais cela coûte de l’argent. Il existe des freins financiers à l’accès à ces outils de prévention. Même si quelques mutuelles permettent le remboursement de préservatifs sur une année, la plateforme Prévention Sida estime que ce n’est pas suffisant.

Les centres de dépistages anonymes et gratuits sont peu nombreux, il faudrait les multiplier ou les décentraliser. Les traitements PrEP et PEP sont remboursés mais des barrières financières sont présentes, particulièrement pour les personnes sans couverture médicale, rendant leur accès difficile.

La Plateforme Prévention Sida s’engage donc dans un travail quotidien de prévention et d’information, via des stratégies de communication ou des approches communautaires de proximité dans les lieux de vie des publics cibles afin de distribuer près de 1.000.000 de préservatifs par an, de faciliter l’accès au dépistage rapide et gratuit du VIH .

Mais aussi en faisant du plaidoyer pour une réduction de ces barrières afin de favoriser au maximum un accès universel aux informations et aux outils de prévention combinée du VIH.

RTBF

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