Asile : grève conjointe des agents de l’Ofpra et de la CNDA contre les « cadences infernales »

Les agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et ceux de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) sont en grève ce mercredi. Les officiers de ces deux institutions dénoncent une politique du chiffre incompatible avec leur mission et une charge de travail trop importante.

Les agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) maintiennent la pression. Ils sont – pour la troisième fois en un mois – de nouveau en grève mercredi 29 novembre. Mais cette fois, le mouvement prend de l’ampleur : ils ont été rejoints par les agents de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et par les avocats de l’association Elena – intervenant dans la défense du droit d’asile, du statut de réfugié et des étrangers.

Les deux institutions, chargées de statuer sur le dossier d’un demandeur d’asile, dénoncent les mêmes pressions subies par leur direction respective, qui reposent sur la politique du chiffre.

Un officier de l’Ofpra doit émettre 364 décisions d’asile chaque année, quand un agent de la CNDA se voit attribuer 325 dossiers sur la même période.

En cause, la volonté des autorités françaises de raccourcir les délais d’attente de traitement des demandes d’asile. Mais pour les salariés, cette logique est incompatible avec leur mission.

Burn-out, arrêt maladie et fort turn-over
« Les agents doivent être attentifs à chaque situation individuelle, prendre le temps nécessaire pour écouter les récits et se renseigner sur la situation politique de tel ou tel pays afin de prendre une décision juste », expliquait fin octobre à InfoMigrants Anouk Lerais, de la CGT Ofpra. « On a l’impression d’être géré comme une entreprise privée alors qu’on répond à une mission de service public », estimait-elle.

Un avis partagé du côté de la CNDA.

Si les syndicats reconnaissent que le nombre de dossiers à traiter n’a pas évolué depuis 2018, il n’en est pas moins trop important. « Depuis le départ on dit qu’il est trop élevé. Les contentieux ont changé, la situation des pays évolue, le droit d’asile se complexifie…

Tous ces critères augmentent notre charge de travail et ne sont pas pris en compte au fil des années », signale à InfoMigrants Sébastien Tüller, du syndicat Sipce.

 

Cette « cadence infernale » imposée aux agents de la Cour et de l’Office a des conséquences sur leur travail de vérification des récits.

« Plus on bâcle notre travail, plus on passe à côté de choses importantes », insiste Sébastien Tüller. Elle a aussi un impact sur la vie des demandeurs d’asile, pour qui la réponse à leur dossier déterminera leur avenir en France.

Ces conditions de travail provoquent des burn-out à répétition, la multiplication d’arrêt maladie et des départs en cascade, assurent les représentants syndicaux. À titre d’exemple, l’ancienneté d’un officier est de seulement de deux ans au sein de l’Ofpra, le turn-over atteint 20%.

Inquiétudes autour de la nouvelle loi Immigration
Contacté par InfoMigrants, le directeur général de l’Ofpra, Julien Boucher, rappelle que plusieurs mesures ont été adoptées suite au mouvement suivi par un quart des agents de l’établissement. Certains changements étaient même « en préparation bien avant le début » de la grève, note-t-il, comme « une importante revalorisation de la rémunération des agents ».

Le directeur met également en avant « l’assouplissement du régime de télétravail » et les « travaux engagés sur des sujets tels que la formation, qui est essentielle pour permettre aux agents d’assumer sereinement leurs missions ». Julien Boucher indique par ailleurs que, depuis sa prise de fonction en 2019, 200 emplois ont été créés au sein de l’Ofpra.

Annick Lerais, de la CGT Ofpra, reconnait des avancées mais les jugent insuffisantes. « Le mal-être des agents vient de la charge de travail et aucune proposition n’est apportée à ce sujet. Le niveau de colère et de fatigue des officiers n’est pas entendu », estime la représentante syndicale.

À travers cette mobilisation, les agents s’élèvent également contre la nouvelle loi Immigration, ratifiée par le Sénat et actuellement en débat à l’Assemblée nationale.

Le texte « risque de détériorer la qualité du service public de l’asile » et d’affecter le « travail des agents », note le communiqué de l’intersyndical de la CNDA. Même son de cloche chez l’Ofpra, même si les deux organisations n’ont pas les mêmes craintes.

Le premier s’inquiète de la mise en place d’un juge unique à la Cour – contre trois actuellement – qui aura comme effet « d’impacter la qualité des débats, des délibérés et des décisions », selon Sébastien Tüller et portera « une atteinte grave au droit des requérants ».

Quand le second craint la perte de son indépendance avec la mise en place par les autorités des pôles France Asile au sein de l’organisation.

infomigrants

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