Exécution de deux Palestiniens accusés d’espionnage pour Israël : « C’est un acte dissuasif »

Deux Palestiniens accusés d’espionner au profit de l’armée israélienne ont été exécutés et leur corps exposés publiquement dans le camp de réfugiés de Tulkarem, en Cisjordanie, dans la nuit du 24 au 25 novembre. Ces exécutions publiques attestent de la recrudescence de la violence depuis le début de la guerre à Gaza. 

Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux et authentifiées montrent un homme suspendu à un pylône électrique et un deuxième pendu la tête en bas à un mur, devant une foule en colère, dans le camp de réfugiés de Tulkarem, en Cisjordanie.
D’autres photos montrent les corps des victimes jetés dans une benne à ordure. Selon des médias israéliens, la scène s’est produite le 24 novembre au soir. Ni les autorités palestiniennes ni israéliennes n’ont réagi.
Les corps des deux victimes accusées d'espionnage ont été jetés dans une benne à ordure.
Les corps des deux victimes accusées d’espionnage ont été jetés dans une benne à ordure. © Capture d’écran Twitter

Un journaliste palestinien du camp de réfugiés a indiqué, sous couvert d’anonymat, que les deux hommes ont été abattus par balles par des combattants dans les rues avant d’être piétinés par des habitants de la ville, selon l’Associated Press.

C’est l’organisation Comité de résistance de Tulkarem, un groupe basé dans la ville cisjordanienne du même nom et associé au Fatah, qui a revendiqué l’acte.

Sur Telegram, elle a déclaré : « Nous ne leur avons pas fait de tort, mais ils se sont fait du tort à eux-mêmes », le 24 novembre, jour de la mort des deux Palestiniens. Cette organisation revendique une politique de tolérance zéro à l’égard des informateurs israéliens.

Les deux hommes accusés d’espionnage seraient Hamza Moubarak, 31 ans, et Azzam Joabra, 29 ans, selon le Comité de résistance de Tulkarem et les médias israéliens. 

Ils avaient été accusés d’avoir aidé les forces de sécurité israéliennes à cibler des militants palestiniens lors d’une opération ayant entraîné la mort de quatre d’entre eux le 6 novembre.

L’organisation a également diffusé deux vidéos dans lesquelles les deux hommes semblent reconnaître avoir collaboré avec les services de sécurité israéliens. Ils disent avoir reçu 17 000 shekels (4 200 euros) et 10 000 shekels (2 470 euros), et s’excusent auprès des familles des militants tués.

La famille de l’un des supposés informateurs a pris ses distances samedi dans un communiqué, qualifiant la victime de « doigt malveillant que nous avons coupé sans regret », selon l’agence de presse Associated Press.

« Certains collaborateurs ont subi du chantage de la part de l’armée israélienne »

Ammar Dwaik est directeur général de la Commission indépendante palestinienne pour les droits de l’homme (ICHR), un groupe de défense des droits palestiniens.

Dans ce contexte de guerre, où l’armée israélienne a tué des Palestiniens en Cisjordanie, les Palestiniens pensent que ces crimes n’auraient pas eu lieu s’il n’y avait pas de collaboration. Il n’y a donc aucune tolérance envers les collaborateurs. 

Les Palestiniens se radicalisent et montrent plus de sympathie pour les groupes armés, d’une part à cause des crimes commis par Israël, d’autre part parce que les opérations menées par Israël ont sapé la crédibilité et l’autorité des autorités palestiniennes.

Pour autant, il n’y a pas de justification pour ce type d’exécution extra-judiciaire. On doit garantir la présomption d’innocence. On sait que certains collaborateurs sont eux-mêmes des victimes, car certains ont subi du chantage de la part de l’armée israélienne. Il faut que les suspects aient un juste procès, garanti par les autorités en charge de l’application de la loi.

Ce genre d’exécution est dangereux car il pourrait établir un état de non-droit. On craint que des personnes innocentes soient blessées, et qu’un état d’anarchie soit créé.

Nous demandons aux autorités palestiniennes d’enquêter sur cette affaire, et d’appliquer la loi contre les collaborateurs en s’assurant qu’ils aient un procès équitable et des sanctions dissuasives.

Le Comité de résistance de Tulkarem a indiqué dans un message sur Telegram que toute personne ayant travaillé avec les services de sécurité israéliens avait jusqu’au 5 décembre pour se manifester et se confesser. Trois personnes se sont déjà repenties, a affirmé l’organisation.

« Cette exécution est dissuasive »

Les exécutions publiques sont quelque chose de nouveau à Tulkarem. C’est symptomatique d’une aggravation de la situation depuis le 7 octobre. Ils ont été exécutés en public à cause de la situation d’urgence que connaît la Palestine.

Les gens sont très en colère car ils sont considérés comme des collaborateurs et ils ont causé la mort de quatre jeunes Palestiniens. Cette exécution est dissuasive.

L’ultimatum pourrait donner aux collaborateurs l’occasion de se rendre et de donner le nom de leur commanditaire, en accord avec la loi, plutôt que d’être tués s’ils sont découverts plus tard.

Des précédents depuis 1987 

Cette scène d’exécution publique rappelle les événements qui se sont déroulés en Cisjordanie lors des deux soulèvements palestiniens contre la gouvernance israélienne, qui avaient éclaté en 1987 et en 2000. Au cours de ces périodes de conflit intense, les exécutions d’espions présumés, parfois publiques, avaient été fréquentes. 

Le dernier cas d’exécution publique d’un Palestinien accusé de collaboration a été rapporté en avril dernier, après presque vingt ans sans cas recensé. 

Depuis le 7 octobre et l’attaque du Hamas, qui s’est soldée par 1 200 morts en Israël et la prise d’environ 240 otages, plus de 200 Palestiniens ont été tués par des colons et des soldats israéliens en Cisjordanie, selon les autorités palestiniennes.

Les forces de sécurité israéliennes ont également effectué des centaines d’arrestations, suite à des affrontements entre l’armée et des manifestants palestiniens.

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