Evanouissements : quand le cœur signale qu’il est temps de s’allonger

Une étude américaine a mis en évidence le mécanisme derrière les évanouissements, où le cœur envoie un signal au cerveau qui entraine l’arrêt temporaire d’une zone.

Un malaise peut entrainer un évanouissement, une perte de connaissance brève qui peut causer des traumatismes liés à la chute.

On sait tous que le cerveau contrôle le corps, mais on commence à voir que le corps aussi peut contrôler le cerveau.

Cela semble être le cas notamment des évanouissements (ou syncopes), qui décrivent une perte de connaissance brève et soudaine. Des chercheurs de l’Université de Californie à San Diego et de l’Institut de recherche Scripps (toutes les deux au sud-ouest des États-Unis) ont montré que ces malaises ont leur origine dans un problème ponctuel du cœur, qui ensuite envoie un signal au cerveau qui cause une baisse rapide d’activité cérébrale. Leur étude a été publiée en novembre 2023 dans la revue Nature.

Le cœur informe le cerveau d’une baisse de tension
Ce signal cardiaque serait à la base une façon pour le cœur d’informer le cerveau d’une baisse de tension importante, qui obligerait le corps à prendre une position allongée afin de normaliser la tension sanguine. Cette communication entre le cœur et le cerveau était théorisée depuis 1867, sous le nom de réflexe Bezold-Jarisch, décrit par les physiologistes allemands Albert von Bezold et Adolf Jarisch Junior.

Cette chute de tension causerait une baisse de la quantité de sang qui entre dans le ventricule, celui-ci doit donc se contracter avec plus de force, ce qui activerait des neurones qui connectent le cœur au cerveau par le nerf vague (qui connecte le cerveau aux organes du torse). Mais le mécanisme derrière cette communication cœur-cerveau n’avait pas encore été montré.

La lumière éclaire les neurones responsables de cette communication
Pour le mettre en évidence, les chercheurs californiens ont analysé chez des souris les neurones du nerf vague qui se connectent à la paroi ventriculaire du cœur. Ils ont identifié un groupe de neurones exprimant un récepteur particulier, qui reconnaît une protéine importante dans le contrôle de la circulation sanguine, le neuropeptide Y.

Ces neurones connectent principalement la paroi cardiaque à l’area prostema, une zone de l’encéphale importante dans les connexions entre le corps et le cerveau (elle contrôle par exemple le réflexe de vomissement).

Ces souris ont ensuite été manipulées génétiquement afin de pouvoir activer avec de la lumière (par optogénétique) spécifiquement les neurones avec ce récepteur.

Cette activation entrainait tout de suite une baisse de tension, une chute de la fréquence cardiaque et une diminution de la respiration, causant l’évanouissement de l’animal. “Nous avons été abasourdis quand nous avons vu que leurs yeux tournaient vers le haut et devenaient blancs en même temps que l’activité cérébrale chutait, révèlent les auteurs dans un communiqué.

Et quelques secondes après, l’activité du cerveau reprenait et ils recommençaient à bouger. C’était un moment Eureka pour nous !”

Le cerveau s’active puis s’éteint très vite avant de redémarrer
En effet, la syncope des souris était accompagnée d’une baisse de circulation sanguine du cerveau et d’une chute très rapide de son activité (qui diminuait de plus de 50 %).

Afin de mieux comprendre ce mécanisme, les chercheurs ont enregistré l’activité cérébrale à ce moment-là, utilisant des électrodes implantées dans leurs cerveaux. Et grâce à une intelligence artificielle, ils ont pu étudier dans le détail ce qu’il s’y passait.

Étonnamment, cette baisse d’activité cérébrale était précédée par une hausse importante dans certaines régions du cerveau.

Et cette activation survenait très vite, à peine 8 millisecondes après l’activation des neurones du nerf vague, alors que la chute de la circulation sanguine dans le cerveau était observée plus tard, 200 millisecondes après la stimulation. La zone la plus rapidement activée était dans l’hypothalamus, structure du cerveau voisine de l’encéphale où ces neurones du nerf vague se connectent au cerveau.

La chute de tension activerait donc les neurones du nerf vague connectés au cœur, ce qui causerait l’activation observée dans l’hypothalamus, qui ensuite entrainerait la chute d’activité cérébrale qui cause l’évanouissement. Il reste maintenant à comprendre comment cette zone activée de l’hypothalamus cause la baisse de circulation sanguine dans le cerveau, à l’origine de la chute d’activité cérébrale caractéristique de la syncope.

En attendant, si jamais vous ressentez une chute de tension suite par exemple à une station debout trop prolongée ou à un stress important, c’est peut-être votre cœur en train de vous dire qu’il est temps de s’allonger un moment… avant qu’il ne vous force à le faire.

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