L’Aide médicale d’Etat : adaptable, mais pas condamnable, selon le rapport Evin-Stefanini

L’Aide médicale d’Etat (AME) pour les étrangers sans papiers, remise en cause par les sénateurs dans le cadre du projet de loi sur l’immigration, est « globalement maîtrisée », mais « mérite d’être adaptée », selon un rapport remis lundi au gouvernement, prêt à examiner une « évolution ».

Le dispositif « est forcément perfectible. Il y a des propositions (…) qu’on va étudier très rapidement », a déclaré le ministre de la Santé Aurélien Rousseau, après la remise du rapport par l’ancien ministre PS Claude Evin et le préfet Patrick Stefanini, figure de LR.

« Mais cela n’a pas sa place dans le projet de loi immigration: ce n’est pas un sujet d’immigration, mais un sujet de santé publique », a-t-il ajouté lundi lors d’une visite à l’hôpital de Remiremont (Vosges).

L’AME est régulièrement prise pour cible par la droite et l’extrême droite, qui l’accusent de générer un « appel d’air » pour l’immigration clandestine et de coûter « trop cher » – 968 millions d’euros en 2022 pour 411.364 bénéficiaires.

Dans le cadre du projet de loi « immigration », en cours d’examen par le Parlement, le Sénat a supprimé l’AME pour la remplacer par une Aide médicale d’urgence, plus restrictive.

Mais pour MM Evin et Stefanini, l’AME « est un dispositif sanitaire utile », « globalement maîtrisé » et « qui ne génère pas de consommations de soins faisant apparaître des atypismes, abus ou fraudes structurelles ».

Le nombre de bénéficiaires augmente, mais cette augmentation est liée à la hausse du nombre d’étrangers en situation irrégulière, et non à un dérapage du système, indique le rapport.

La consommation trimestrielle moyenne par personne « est restée stable en dépit de l’augmentation du coût des soins », « de 642 euros en 2009 à 604 euros en 2022 », observent les auteurs du rapport.

– Des « adaptations » –

Pour eux, la création proposée par le Sénat d’une AME plus restrictive entraînerait « une complexification générale », notamment pour apprécier ce qui relève des soins urgents et ce qui n’en relève pas.

Le SAMU social de Paris le 24 décembre 2002 (AFP/Archives - FRANCOIS GUILLOT)Les deux rapporteurs n’en listent pas moins une série « d’adaptations » possibles.

Ils proposent notamment de « retirer le droit à l’AME » aux « personnes frappées de mesures d’éloignement pour motif d’ordre public ».

En 2022, 134.280 obligations de quitter le territoire français ont été prononcées par les préfectures, dont 13.132 pour un motif d’ordre public, précise le rapport.

Les auteurs préconisent aussi de resserrer certains « critères d’éligibilité ».

Actuellement, l’AME est accessible aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois – sous conditions de ressources inférieures au plafond de 809,90 euros par mois – mais aussi à leurs enfants, conjoints ou concubins.

Cette « qualité d’ayant-droit » pourrait être réservée « aux seuls enfants mineurs », les autres membres devant alors déposer leur propre demande, estiment-ils, suggérant aussi de prendre en compte « les ressources de l’ensemble du foyer » pour l’admission.

– Des divergences –

MM. Evin et Stefanini préconisent de « renforcer le suivi analytique » de la consommation de soins, informatiser la carte des bénéficiaires, ou porter la durée de validité du titre à deux ans au lieu d’un, permettant ainsi des contrôles « plus approfondis ».

Ils proposent également d’élargir la liste des prestations qui ne seraient plus délivrées automatiquement mais seulement après un accord avec l’Assurance maladie.

Et suggèrent quelques adaptations pour lutter contre le « non-recours ».

Selon les données disponibles, quelque 50% des potentiels bénéficiaires ne demandent pas l’AME.

Claude Evin à Paris le 23 septembre 2013 (AFP/Archives - KENZO TRIBOUILLARD)Parmi les mesures envisagées: l’organisation dès l’arrivée sur le territoire d’un bilan de santé ou encore l’extension aux bénéficiaires de l’obligation de déclarer un médecin traitant.

Patrick Stefanini et Claude Evin diffèrent sur quelques propositions: vérifier, avant des soins lourds et coûteux, que ces soins ne sont pas accessibles dans le pays d’origine, ou créer l’obligation pour le titulaire de l’AME d’effectuer une nouvelle demande de titre de séjour pour que son AME soit renouvelée.

A l’Assemblée nationale, qui examinera le projet de loi immigration la semaine prochaine, la députée LR Véronique Louwagie, partisane de l’AMU, a regretté « le caractère inabouti de certaines pistes de propositions » des rapporteurs.

« Ce sujet doit être traité. Que ce soit dans un texte immigration ou dans un autre », a-t-elle dit.

AFP

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