Traque sans frontières des régimes autoritaires contre les journalistes critiques, selon Freedom House

Les Etats autoritaires visent particulièrement les journalistes en exil dans leur campagne de répression de leurs citoyens hors de leurs frontières, affirme dans un rapport publié mercredi l’organisation américaine de promotion de la démocratie Freedom House.

Connue sous le nom de « répression transnationale », la volonté de ces régimes de projection de leur appareil coercitif sur leurs ressortissants à l’étranger est revenue dans l’actualité. Les autorités judiciaires américaines ont annoncé la semaine dernière l’arrestation et l’inculpation d’un Indien pour avoir commandité le projet d’assassinat à New York d’un dirigeant séparatiste sikh, à l’instigation d’un agent de New Delhi.

Le concept est apparu au grand jour avec l’assassinat d’un journaliste : celui de Jamal Khashoggi dans le consulat saoudien à Istanbul en octobre 2018, rappelle Freedom House.

« A mesure que les attaques contre les médias libres et indépendants augmentent dans le monde, de plus en plus de journalistes sont obligés de travailler en exil et sont confrontés à une menace croissante de répression transnationale sur leur nouvelle terre d’accueil », selon le rapport.

En une dizaine d’années, entre 2014 et 2023, l’organisation a dénombré « 112 actes physiques de répression transnationale contre des journalistes perpétrés par 26 gouvernements », dont la Chine, la Russie, le Belarus, l’Iran, le Pakistan, l’Arabie saoudite ou le Cambodge.

Mais « ces données ne reflètent qu’une fraction du phénomène, beaucoup d’incidents n’étant pas recensés ou extrêmement difficiles à vérifier », souligne-t-elle.

« C’est un moment important pour examiner le ciblage spécifique des journalistes, parce qu’ils sont de plus en plus nombreux à fuir la répression dans leur pays », explique à l’AFP Jessica White, une rédactrice du rapport.

« Nous constatons des tentatives physiques de faire taire les journalistes, qu’il s’agisse d’agressions ou d’assassinats. Mais ces Etats utilisent aussi d’autres types de tactiques, comme le harcèlement en ligne, les campagnes de calomnies ou les représailles contre la famille au pays », énumère cette chercheuse de Freedom House.

« Sanctions ciblées »
« En matière de répression transnationale, nous voyons de tout : de la modération de contenu au harcèlement et à la filature, et même des projets de recrutements de tueurs à gages contre des Américains en territoire américain », indiquait vendredi une vice-ministre américaine de la Justice, Eun Young Choi.

Dans ce discours prononcé deux jours après la révélation du projet d’assassinat contre le dirigeant séparatiste sikh Gurpatwant Singh Pannun, elle pointait « une montée alarmante des actes de répression transnationale » de la part de gouvernements étrangers « pour porter atteinte à la liberté d’expression et punir leurs critiques et dissidents, y compris dans les diasporas aux Etats-Unis ».

Pour protéger les journalistes en exil visés, « la première étape est de reconnaître qu’il s’agit d’une menace particulière, afin d’en faire prendre conscience à l’ensemble des services de police », estime Jessica White.

Il faut aussi garantir leur sécurité physique, ajoute-t-elle, citant l’exemple du Royaume-Uni ou de la Norvège, « où ceux qui font l’objet de menaces physiques reçoivent des montres équipées de dispositifs d’alerte ».

Parmi ses recommandations aux Etats démocratiques, Freedom House prône « des sanctions ciblées, coordonnées et multilatérales contres les auteurs et les commanditaires de la répression transnationale contre les journalistes en exil ».

L’organisation souhaite à ce titre « des interdictions de visa et des gels d’avoirs », précise la chercheuse.

AFP

You may like