Casque de réalité virtuelle sur le visage, le soldat ukrainien Igor pilote son drone. A côté de lui, deux mâts surmontés de répéteurs augmentent la portée de son engin, et donc la menace sur la ligne de front.
« Si l’on compare au début (de la guerre), nous avons beaucoup progressé », déclare Igor, un volontaire de 24 ans, lors du test réalisé dans un champ près de Bakhmout, dans l’est de l’Ukraine.
« L’efficacité des drones FPV (First person view en anglais, pilotage en immersion) est devenue bien meilleure, le vol aussi, nous pouvons voler à une plus grande distance, et mieux utiliser les munitions transportées », ajoute le soldat.
Sur le front, ce type d’engins peut soit larguer des grenades et servir à nouveau, ou bien exploser avec sa charge sur sa cible.
Les réseaux sociaux abondent de vidéos de telles frappes, donnant au spectateur cette impression d’être lui-même sur les lieux.
Autre usage, le renseignement. Le drone repère les mouvements de l’ennemi qui deviendra une cible pour un autre engin explosif, l’artillerie ou les chars.
Ou bien il sert à coordonner des attaques de l’infanterie.
En près de deux ans de guerre depuis l’invasion russe de l’Ukraine, les drones de tous types se sont imposés sur le champ de bataille, déclenchant une course à l’armement, les deux camps les redoutant autant qu’ils les utilisent.
« Les drones sont les yeux de nos militaires », résume auprès de l’AFP le ministre ukrainien de la Transformation numérique, Mykhaïlo Fedorov.
120.000 drones par mois
A l’été 2022, en lien avec la plateforme de levée de fonds du gouvernement UNITED24, l’Ukraine a lancé le projet « Armée de drones » pour « l’achat de drones, la formation des pilotes et la réparation » d’engins endommagés, explique-t-il.
« De 80 entreprises à l’automne 2022, nous comptons désormais environ 200 productions de drones, petites et grandes », détaille le ministre.
« L’année dernière, seuls sept drones ukrainiens pouvaient être utilisés en première ligne.
Il existe désormais plus de 50 modèles uniques fabriqués en Ukraine, et ça ne cesse de croître », se félicite-t-il.
Les drones FPV « coûtent quelques centaines de dollars, mais sont capables de détruire des équipements valant des millions de dollars lorsqu’un pilote habile les utilise », dit-il.
Il cite également « les drones navals en mer Noire, qui font un excellent travail en détruisant la flotte russe et en assurant la sécurité maritime ».
L’armée utilise aussi des drones à huit hélices capables de transporter une mine antichar de près de 6 kg d’explosif.
Les Russes les auraient surnommés « Baba Yaga », du nom de la méchante sorcière du folklore russe.
L’ampleur de cette guerre des drones est difficile à estimer, des responsables ukrainiens évoquant un besoin mensuel de 100.000 à 120.000 drones.
Chef d’un peloton FPV, « Banderas » – son indicatif militaire -, utilise des engins civils aux composants fabriqués en Chine.
Dans le sous-sol d’une maison près de Bakhmout, qui fait office d’atelier, une équipe reconfigure d’abord les drones « pour qu’ils fonctionnent avec nos équipements, nos antennes, nos récepteurs », explique le chef d’unité de 27 ans.
Ils installent aussi des batteries plus puissantes pour accroître la portée à 18 km.
Toujours dans la cave, sont stockées aussi des munitions de lance-grenades soviétique RPG-7.
La partie explosive pesant 1 kg et capable de pénétrer 500 mm de blindage est ensuite fixée sous le drone qui partira à la chasse.
Intelligence artificielle
« Banderas » explique que de 30 à 40% des drones sont perdus, parfois sous le feu ennemi mais le plus souvent « à cause des contre-mesures électroniques » russes, qui coupent le signal entre la commande du pilote et le drone, faisant tomber ce dernier.
L’Ukraine a aussi lancé son programme « Armée de guerre électronique » pour mieux se défendre face aux appareils russes, comme le Lancet, redoutable chasseur de pièces d’artillerie.
Et une nouvelle étape vient d’être franchie, celle de l’intelligence artificielle (IA), après l’approbation récente par le ministère de la Défense d’un système de la société ukrainienne Saker Scout, « basé sur des algorithmes d’IA ».
« Le système, utilisant une optique avancée, reconnaît et enregistre de manière indépendante les coordonnées des équipements ennemis (même camouflés), transmettant immédiatement les informations au poste de commandement pour prendre la décision appropriée », affirmait le ministère en septembre.
« Cela élimine les risques +d’erreur humaine+, puisque l’oeil de l’opérateur n’est pas toujours capable de capter toutes les nuances », assurait-il.
Pour le ministre Mykhaïlo Fedorov, « cette guerre sera gagnée grâce aux drones, et l’Ukraine fait tout ce qui est possible et impossible pour y parvenir ».
AFP