L’État français a décidé de mettre fin au contrat le liant au lycée Averroès de Lille (nord), cessant ainsi de subventionner à partir de la rentrée 2024 le principal lycée musulman de France, vingt ans après sa création.
Classé parmi les meilleurs de la région, le lycée Averroès ne bénéficiera plus de ses subventions publiques à partir de la rentrée 2024. Ainsi en a décidé le préfet du Nord, Georges-François Leclerc, qui a mis fin le 7 décembre au contrat liant le lycée lillois à l’État.
Dans le courrier actant cette décision, il met en avant des ressources pédagogiques incomplètes, des enseignements « en contradiction » avec les valeurs de la République, ainsi qu’une gestion et des financements opaques, autant de « manquements graves » qui justifient la rupture du contrat avec l’État.
Le président Les Républicains du conseil régional des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a salué « un signal clair » contre tout « compromis avec les valeurs républicaines ».
« Ça fait plus de six ans que j’ai alerté l’État sur la présence du fait religieux dans cet établissement », a-t-il déclaré. « Ça montre qu’on doit avoir une extrême vigilance sur toutes les atteintes possibles aux valeurs républicaines. » Un bras de fer oppose depuis 2019 le lycée à la région des Hauts-de-France, qui refuse chaque année de verser la subvention prévue dans le cadre du contrat, reprochant notamment à Averroès un don qatarien de 950 000 euros en 2014. « Pour un contrat d’association, il faut qu’il y ait de la confiance », a encore déclaré Xavier Bertrand. « La confiance n’est pas là. »
Des enseignements jugés contraires aux valeurs de la République
L’établissement lillois de 400 élèves, ouvert en 2003 avec le soutien de l’ex-Union des organisations islamiques de France (UOIF, devenu Musulmans de France), dans la foulée de l’interdiction du voile dans les lieux scolaires, était devenu en 2008 le premier lycée musulman de France à passer sous contrat. À ce titre, il doit accueillir les élèves sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance et avoir des enseignements conformes à ceux de l’enseignement public.
Or, selon le journal Le Parisien qui a révélé la décision préfectorale, il est notamment reproché au lycée des enseignements qualifiés de contraires aux valeurs de la République, notamment lors de cours d’éthique musulmane. Toujours selon Le Parisien, une inspection a montré des absences de ressources sur certains thèmes comme l’homosexualité, et la prépondérance d’ouvrages religieux sur l’islam au détriment des autres religions.
Une commission consultative présidée par le préfet du département du Nord s’était penchée fin novembre à la fois sur le financement et le contenu du cours d’éthique musulmane. Dans son rapport préalable à cette commission, il avait noté dans la bibliographie de l’enseignement d’éthique musulmane la mention d’un recueil de textes religieux comprenant des commentaires prônant la peine de mort pour apostasie ou la ségrégation des sexes.
Un lien avec les Frères musulmans contesté
Ce rapport reprenait des extraits de presse mettant en cause des enseignants, et déplorait « un système de financement illicite », citant une « enquête ouverte par le parquet de Lille » sur des prêts concédés au groupe scolaire par des associations qui n’en auraient ensuite pas demandé le remboursement. En filigrane est pointé du doigt le lien historique d’Averroès avec l’UOIF, organisation issue du mouvement égyptien des Frères musulmans.
« Personne à part l’autorité préfectorale ne dit qu’il y a un lien avec les Frères musulmans », avait souligné fin novembre un avocat du lycée, rappelant qu’aucun dirigeant de l’association gérant le lycée n’avait jamais été entendu, placé en garde à vue ni renvoyé devant le tribunal correctionnel.
L’Éducation nationale avait mené plusieurs inspections, sans trouver matière à remettre en cause le contrat d’association. L’inspection générale de l’Éducation nationale avait notamment estimé dans un rapport de 2020 que « rien » ne permet de penser « que les pratiques enseignantes (…) ne respectent pas les valeurs de la République ». Les responsables du lycée avaient fait savoir fin novembre qu’ils saisiraient la justice administrative si une résiliation du contrat était décidée.
AFP