Pourquoi Gérald Darmanin aurait pu démissionner s’il l’avait vraiment voulu

Après le vote d’une motion de rejet sur le projet de loi immigration, Gérald Darmanin a présenté sa démission à Emmanuel Macron, qui l’a refusée. Sauf que dans les faits, le président de la République ne peut pas refuser la démission d’un ministre.

Gérald Darmanin est toujours en poste. Affaibli après le vote par les députés d’une motion de rejet du projet de loi immigration, lundi 11 décembre 2023, le ministre de l’Intérieur s’est, dans la foulée, rendu à l’Élysée pour échanger avec Emmanuel Macron.

Un peu avant 20 h, l’entourage du Président communique : Gérald Darmanin « a remis sa démission » à Emmanuel Macron, « qui l’a refusée ». Une procédure qui pose question.

« Inélégant pour Élisabeth Borne »
Déjà parce que le ministre de l’Intérieur est passé directement par le président de la République. Or, selon l’article 8 de la Constitution, le Président nomme et met fin aux fonctions des ministres « sur la proposition du Premier ministre » qui est le chef du gouvernement.

« C’est inélégant pour Élisabeth Borne, Gérald Darmanin ne perd pas une occasion de l’humilier », juge Chloé Morin, politologue et ancienne conseillère à Matignon auprès de Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls.

Les relations entre la Première ministre et son ministre de l’Intérieur ne sont en effet pas au beau fixe, le second ayant lorgné le poste de la première au cours de l’été. Depuis, elle n’est que peu montée au créneau pour soutenir Gérald Darmanin sur le projet de loi immigration.

Pas le pouvoir de refuser une démission
Par ailleurs, il se trouve que le président de la République n’a pas le pouvoir de refuser la démission d’un ministre. « Aucun ministre n’a jamais échoué à partir quand il le voulait vraiment », poursuit Chloé Morin. En octobre 2018, Gérard Collomb, alors ministre de l’Intérieur, avait tout de même quitté son poste malgré le refus d’Emmanuel Macron.

Quelques semaines avant, Nicolas Hulot avait même annoncé son départ du gouvernement directement sur France Inter.

Cette démission avortée de Gérald Darmanin apparaît donc davantage comme une façon de le relégitimer, alors que plusieurs personnalités de gauche appelaient déjà à sa démission. « Je suis un homme d’honneur et le Parlement compte. Il fallait que le président tranche. Il a tranché », a déclaré le ministre de l’Intérieur lundi soir sur TF1 .

Après les élections législatives de 2022, Élisabeth Borne avait posé la démission de son gouvernement, comme c’est la coutume, mais Emmanuel Macron l’avait déjà refusée « afin que le gouvernement reste à sa tâche ».

Cette fois, il « a demandé à la Première ministre et au ministre de l’Intérieur et des Outre-mer de lui faire des propositions pour avancer en levant ce blocage et aboutir à un texte de loi efficace », assure l’Élysée.

Gérald Darmanin doit désormais montrer qu’il peut remonter la pente et porter le texte jusqu’au bout.

ouest-france

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