Madagascar: à la Fondation H, plongée dans l’imaginaire de l’artiste tisserande Madame Zo

Direction Madagascar, à la Fondation H, institution culturelle privée d’art contemporain pour découvrir l’œuvre de Madame Zo, artiste tisserande peu médiatisée de son vivant, mais qui a laissé un héritage colossal. La Fondation H a choisi de mettre à l’honneur l’œuvre de la plasticienne, pour son exposition inaugurale intitulée Bientôt je vous tisse tous qui prendra fin le 29 février prochain.

Il y a quelques jours, le tout premier catalogue de l’œuvre de Madame Zo a été lancé. Un ouvrage publié dans le cadre de cette exposition posthume émouvante.

« Cette œuvre s’intitule « Nuages de fer ». Là, Madame Zo a utilisé des pailles de fer et des bandes magnétiques », explique l’un des médiateurs du musée au public.

En enfilade, suspendues, de monumentales pièces tissées à l’intérieur desquelles sont cachés des trésors que le visiteur peut s’amuser à dénicher. Ici des bandes de K7 audio, là des lanières de plastique, des os de poulet, des pattes de criquet, des circuits imprimés, du mica…

Des centaines de matières à base desquelles Zoarinivo Razakaratrimo, dite Madame Zo, a tissé des histoires.

« L’enjeu de cette exposition inaugurale, c’était de rendre visible la pratique, l’œuvre d’une immense artiste qui a transformé littéralement l’art du tissage avec un immense courage, et qui a vraiment métamorphosé la vision que l’on peut porter sur cette tradition encore extrêmement vivace à Madagascar », explique Bérénice Saliou la co-commissaire de l’exposition. « Elle a créé un métier à tisser de dimensions hors norme qui lui a permis de dépasser les limites imposées en termes de dimensions et de matières ».

Une œuvre philosophique et spirituelle
Une affranchie, en quelque sorte. Une femme libre, courageuse, qui a révolutionné l’art du tissage et en même temps transformé le visage de la scène artistique malgache. Et si la discrète Madame Zo discourait peu, explique Bonaventure Soh Bejeng Ndikung, second co-commissaire, ses œuvres s’exprimaient pour elle.

« Tisser, c’est parler. Madame Zo était une « storyteller », ça veut dire qu’elle a raconté des histoires dans son travail qui nous amène dans ce concept de l’oraliture. Les titres de ses travaux sont tellement importants, ça nous donne la possibilité de les comprendre.

C’est le côté philosophique et spirituel de son travail, voilà pourquoi elle dit « Je vous tisse tous ». »

Je me demande, Tsangatanana, Tais-toi et dors, des titres aux noms évocateurs qui invitent le spectateur à remonter les fils tissés et à s’immerger dans l’imaginaire de Madame Zo. Un imaginaire empreint de poésie, de fantaisie et de dureté aussi.

« Dans cette salle, la thématique, c’est « Paysages ».

Elle parle de la pollution de l’environnement et de cette habitude qu’ont les humains de détruire la nature. C’est ce qu’elle veut nous dire avec cette œuvre. Après, l’interprétation dépend de chacun », détaille Bonaventure Soh Bejeng Ndikung.

En brisant les conventions, en déconstruisant sans cesse son art pour mieux le réinventer, Madame Zo, décédée prématurément en 2020, laisse derrière elle une œuvre immense à découvrir absolument.

RFI

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