La semaine dernière, l’armée israélienne a mené un raid sur le camp de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie. Lors de cette incursion, douze Palestiniens ont été tués, les infrastructures du camp ont été détruites. La ville, épine dans le pied d’Israël, est vue comme un haut lieu de la lutte armée, mais c’est toute la population qui en subit les conséquences et qui estime vivre une punition collective.
C’est la première fois que Basema Abu Tabekh revient dans le centre pour femmes, au milieu du camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie. Trois jours durant, lors du dernier raid de l’armée israélienne, les soldats l’ont transformé en base. Depuis, toutes les portes ont été cassées, les fenêtres brisées, utilisées par les snipers. Les bureaux ont été fouillés, des cartons éventrés.
« Dans ce centre, nous sommes entre 200 et 1 000 femmes à venir du camp pour travailler, se réunir. Ce n’est pas qu’un centre pour les femmes, nous sommes là pour les jeunes, les enfants, pour tous. C’est une vraie organisation de la société civile. Ils ne devraient pas nous traiter comme ça », s’indigne-t-elle.
Mardi dernier, les forces armées de l’État hébreu ont en effet mené une incursion dévastatrice dans le camp de réfugié de Jénine. Pendant trois jours d’offensive, des dizaines de véhicules blindés ont été déployées, et une frappe meurtrière à l’aide d’un drone kamikaze contre des combattants palestiniens a causé la mort de douze personnes, selon le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne. Des échoppes ont été saccagées, des voitures détruites par des tanks et des bulldozers.
Retour à #Jénine, après le raid de trois jours. Échoppes saccagées, taguées avec des étoiles de David par les soldats, ruelles et voitures détruites par les bulldozers. Les habitants pleurent leurs morts et parlent d’une énième punition collective. https://t.co/o32FmLT6cv pic.twitter.com/wKXip5FR3P
— Alice Froussard (@alicefrsd) December 17, 2023
Lundi 18 décembre, à nouveau, quatre Palestiniens ont été tués dans un autre raid israélien en Cisjordanie, au camp de réfugié de Faraa, a rapporté le ministère palestinien de la Santé. En réaction, la France compte imposer des sanctions à certains colons israéliens responsables de violences contre les Palestiniens en Cisjordanie, a annoncé lundi la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, pendant une conférence de presse à Beyrouth.
« Personne n’est épargné »
À l’étage du centre pour femmes, à Jénine, les dessins des enfants ont été décrochés des murs, puis piétinés. Pour Basema Abu Tabekh, c’est une punition collective. « Chaque incursion de l’armée israélienne est pire que la précédente et personne n’est épargné », déplore-t-elle.
« Depuis le début, ils s’en prennent à nous tous. Là, je ressens de la tristesse, profonde. Surtout quand je vois qu’ils ont arrêté nos jeunes, qu’ils ont envahi nos maisons, qu’ils ont détruit nos rues et nous ont ramené à zéro, même plus bas que quand nous sommes arrivés dans le camp. Vraiment, quand nos ancêtres sont arrivés ici en 1948, la situation était meilleure que celle que nous vivons en ce moment », lâche-t-elle.
« Le monde s’en fout »
Chaque semaine, les morts et les blessés se comptent par dizaine. À l’hôpital gouvernemental, Ibrahim le regrette : « Les civils Palestiniens sont bien seuls, ici à Jénine, mais aussi à Gaza. Ils n’ont personne pour les défendre, pour leur rendre justice. »
« Combien de personnes sont tuées ? Nous ne comptons même plus. Est-ce que dix personnes à Jénine, ça comptera ? Ils s’en foutent, et le monde s’en fout. Les gens qui sont tués ici ne sont pas des Blancs, ce sont seulement des arabes.
C’est toujours ce deux poids deux mesures. Ils veulent couvrir leur débâcle, à Gaza, alors ils nous humilient ici », conclut-il. Avant de préciser : « Ça ne change rien, nous sommes un peuple uni. »
rfi