Deux nouvelles études ont publié leur analyse des causes de la mortalité en France en 2021. Les chercheurs se sont appuyés sur les volets médicaux des certificats de décès pour mettre en évidence des tendances. Si le nombre de morts a légèrement diminué, le Covid-19 reste la troisième cause de mortalité en 2021.
L’Inserm, Santé Publique France et la DREES (Direction de la recherche, des études et de l’évaluation des statistiques) ont travaillé main dans la main pour examiner les causes des 660.168 décès en France au cours de l’année 2021.
Un chiffre en légère baisse par rapport à 2020 puisqu’on comptait alors 667.497 décès.
Deux nouvelles études complémentaires ont permis d’identifier des évolutions pour l’année 2021 et présentent une première estimation des causes de décès en 2022. Elles ont été publiées conjointement sur le site de la DREES et dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (Santé publique France). Pour aboutir à ces résultats, les chercheurs se sont appuyés sur la statistique nationale des décès produite par le CépiDc de l’Inserm, le Centre d’épidémiologie des causes médicales de décès.
Covid-19, troisième cause de décès
En 2021, les infections au SARS-CoV-2 restent la 3ème cause de décès en France. Ils représentent 9,2% de l’ensemble des décès. Juste derrière les maladies de l’appareil circulatoire (20,9%) et les tumeurs (25,7%), première cause de mortalité.
« Nous avons identifié trois pics de décès liés à la Covid-19 en 2021. Ils correspondent aux vagues d’hospitalisation successives qu’on avait observé tout au long de l’année », souligne François Clanché, directeur de Projet à la DREES lors d’un entretien avec Sciences et Avenir. En outre, l’été 2021 est marqué par un pic de décès lié au coronavirus aux Antilles et en Guyane. « C’est en août que le virus atteint ces DROM-COM. Pendant ce mois-ci, un tiers des décès dus à la Covid-19 provient des départements d’Outre-Mer », analyse le chercheur.
Enfin, les effets de la vaccination semblent se refléter dans les courbes. « On constate que le nombre de décès des personnes de plus de 85 ans, premiers à avoir été vaccinés, diminue au cours du premier semestre 2021 », illustre François Clanché.
Des surprises dans les résultats
La mortalité des tumeurs continue de baisser depuis au moins 2015, début de la période d’étude, sauf pour celles du pancréas et les mélanomes. « C’est un résultat qu’on observe à toutes les échelles : régionale, nationale et même internationale », explique à Sciences et Avenir Anne Fouillet, épidémiologiste chez Santé Publique France. Mais quelques ruptures émergent toutefois parmi les courbes. Alors que la mortalité des maladies de l’appareil circulatoire, dont les infarctus et les AVC, diminuait de manière continue depuis 2015, la tendance s’inverse en 2021.
Mais comment l’expliquer ?
Les chercheurs évoquent plusieurs hypothèses. « Il pourrait s’agir d’un effet indirect de l’épidémie de Covid-19 », explique l’épidémiologiste. « La baisse et la difficulté des recours aux soins, l’isolement social… Certains pays mentionnent aussi des séquelles sur l’appareil circulatoire chez les personnes touchées par le Covid-19. Mais à l’heure actuelle nous ne connaissons pas son implication dans les maladies circulatoires en France ».
Et ce n’est pas le seul chiffre à étonner les chercheurs.
La mortalité des maladies de l’appareil respiratoire est en forte baisse depuis 2020. « Il s’agit sans doute de l’effet protecteur des mesures anti-Covid, dont les gestes barrières, qui ont permis de limiter la circulation de nombreux virus », précise Elise Coudin, chercheuse Inserm et directrice du Cépidc, pour Sciences et Avenir. De même, la mortalité des maladies endocriniennes, métaboliques et nutritionnelles, dont le diabète sucré, augmente à nouveau depuis 2020.
Les décès dus à des maladies du système nerveux ont-ils vraiment diminué ?
D’après ces résultats, l’année 2021 est marquée par une baisse de la mortalité des maladies du système nerveux, comme les démences. « Un résultat à remettre dans le contexte de la pandémie », avertissent les chercheurs.
En effet, ces troubles affectent avant tout les personnes âgées et conduisent souvent au décès.
Or la mortalité due au Covid-19 a été particulièrement forte au sein de cette population, aux défenses immunitaires plus fragiles. « De nombreuses personnes atteintes de ces démences sont décédées après avoir contracté le Covid-19, prématurément. Sans quoi, elles seraient vraisemblablement décédées des suites de leur maladie du système nerveux », éclaire Elise Coudin.
« Pour expliquer ces résultats, des études complémentaires sont nécessaires, dont leur analyse par des cliniciens », note la chercheuse. En effet, ces données s’apprêtent à être mises à disposition du système national des données de santé mais aussi d’autres bases européennes et plus largement internationales, dont celle de l’OMS.
Elles alimenteront ainsi de nouvelles recherches.
« L’inclusion de ces données dans la base nationale, SNDS, va nous permettre d’identifier les soins, hospitalisations, traitements etc. de chaque personne décédée et de les comparer avec des personnes vivantes dont le parcours de soins est similaire », indique Elise Coudin.
Grâce à des premiers traitements complètement automatiques, les chercheurs ont pu établir leurs premières estimations des causes de décès pour l’année suivante, en 2022. Ces résultats restent à affiner, toutefois, d’après eux, les hausses observées en 2021 se prolongent. La mortalité des maladies respiratoires pourrait, elle aussi, s’accroître.
En cause : les deux épisodes grippaux en début et fin d’année 2022. La mortalité liée au Covid diminuerait quant à elle. « Une des hypothèses privilégiée est qu’à présent, 90% de la population est vaccinée », conclut Elise Coudin.
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