Déficients intellectuels, des résidents de l’Établissement d’accueil médicalisé (EAM) de Férel (Morbihan) suivent des cours de théâtre avec un professionnel, en vue d’un spectacle en juin 2023. Le travail ludique en groupe sur le corps, sur l’écoute… les sort de leur bulle.
« Allez, on fait un cercle, on va travailler sur le corps. Soyez bien plantés dans le sol comme si vous étiez des arbres, conseille Jean-Marc Vrignaud, comédien metteur en scène de la Vilaine Cie. Dos droit et on dit son prénom bien fort ! » Jeannine, Philippe, Samuel, Marie-Hélène… les douze élèves de 28 à 72 ans s’exécutent, le troisième cours de théâtre vient de commencer.
Pour l’instant, il ne se déroule pas sur les planches mais au sein de l’Établissement d’accueil médicalisé (EAM) Le Florilège de Férel (Morbihan), où vivent ces adultes en déficience intellectuelle.
Décrocher de vraies salles de théâtre
Le projet, en revanche, « c’est bien de monter un spectacle, explique Jean-Marc Vrignaud. En vue d’une représentation tout public, en juin 2023, à la salle polyvalente de Férel », hors les murs donc. « Pour changer un peu le regard sur ces personnes. »
Il est aussi en train de monter des dossiers de subventions pour espérer décrocher quelques dates « dans de vraies salles de théâtre et avec des pros (régisseur, éclairagiste). » Une cagnotte a même été ouverte à l’EAM, qui peut recevoir des chèques.
En phase d’observation avant d’intensifier les cours dès janvier 2024, Jean-Marc Vrignaud enchaîne les exercices courts et les petites victoires pour les résidents.
L’un doit initier un geste, que les autres copient. « Puis on va marcher en musique et s’arrêter quand la musique stoppe. » « Ah oui, pour occuper l’espace ! » tilte Ivan. Maintenant, ce dernier, Anne-Sophie, Steven et Pascal font face au groupe et quand l’un décide de se lever, les autres doivent se synchroniser sur lui. « Observez-vous entre vous », conseille le metteur en scène.
Mimes de sports
L’entraide est là. Place à un exercice de mime de sports : les résidents se bidonnent en faisant des faux smashs, en simulant la brasse ou en se croyant sur un cheval.
Jean-Marc leur demande ensuite de raconter un souvenir d’enfance face aux autres. Comme Tanguy confie qu’il aimait dessiner, le metteur en scène se sert de l’anecdote pour improviser une nouvelle activité : « Faites comme si vous dessiniez devant vous, comme si vous teniez un crayon imaginaire. » Sans le savoir, Anne-Sophie va même apporter une coloration plus poétique à la scène : elle réclame Denez Prigent en musique de fond parce qu’elle l’adore. Ça tombe bien, Jean-Marc en a dans son ordi. Maintenant qu’ils évoluent en musique, Sullivan taquine : « Vous n’avez qu’à dessiner des micros ! »
« Moins peur du ridicule »
L’heure et demie a vite filé. « Je me sentais moins ridicule cette fois ; j’avais moins peur », trouve Ivan au débrief. Josselin a « tout aimé de ce cours. C’est plus facile pour moi maintenant. En public, ça ne me ferait pas peur. » Ils filent manger et quelques-uns gratifient Jean-Marc d’un « Au revoir copain ! »
« Certains prennent plus d’initiatives à ce cours que d’habitude, glisse Christelle Le Cadre, une des deux AMP qui a assisté à l’intervention. Le théâtre, ça leur apprend déjà à se poser, à s’écouter. Le reste du temps, ils sont plus dans leur bulle et partagent moins de choses. » Jean-Marc Vrignaud, lui, imagine déjà « un spectacle plutôt poétique, avec pas beaucoup de textes à apprendre. Je me projette facilement. Ils ont bien bossé ce matin ! »
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