Six joueurs de handball burundais dont la demande d’asile a été rejetée par Bruxelles ont été expulsés vers la Croatie, leur premier pays d’entrée dans l’Union européenne. Ces jeunes exilés avaient profité d’un championnat du monde en Croatie, en août dernier, pour fuir vers la Belgique, place forte de la diaspora burundaise.
C’est l’épilogue d’une affaire qui a secoué le monde du sport. Le 14 décembre, la Belgique a refusé l’asile à huit jeunes handballeurs burundais et a renvoyé six d’entre eux en Croatie, leur premier pays d’entrée dans l’Union européenne (UE).
Ces huit handballeurs étaient ciblés par une mesure d’expulsion après le rejet de leur demande d’asile.
Mais deux d’entre eux « ne se sont pas présentés » au moment du départ du vol, et seuls six ont pu être renvoyés vers la Croatie, selon la même source. Les deux autres sont désormais visés par un ordre de quitter le territoire.
La Croatie « est responsable de leur procédure d’asile en vertu des règles européennes », a expliqué Nicole de Moor, secrétaire d’État belge à l’Asile et la Migration, en annonçant ces expulsions. « Notre pays subit déjà plus de pression que beaucoup d’autres pays.
Il n’est pas acceptable que nous, en Belgique, devions accueillir des personnes dont d’autres pays sont responsables », a martelé la ministre chrétienne-démocrate flamande.
#Burundi : 10 handballeurs burundais, qui participaient au Championnat du monde #U19 de handball en #Croatie, ont disparu en plein tournoi. La police a précisé que les jeunes, ont « quitté les locaux de la cité #Rijeka », pour « une direction inconnue ».#Lwili 📸: illustration pic.twitter.com/o39b5F90T0
— Obissa Juste Mien🇧🇫 (@JusteMien) August 11, 2023
Ces handballeurs, membres de l’équipe nationale du Burundi, étaient venus participer en août dernier en Croatie au Championnat du monde des moins de 19 ans.
Mais à la veille d’un match le 9 août, en plein tournoi, ils avaient subitement disparu de la cité universitaire de Rijeka où ils étaient hébergés. La police croate avait précisé que ces 10 jeunes hommes, « nés en 2006 », avaient quitté les locaux d’une cité universitaire de Rijeka où ils étaient logés, et qu’ils étaient « partis dans une direction inconnue ».
Les athlètes avaient en réalité, au moins pour la plupart, pris la direction de la Belgique, où les services de l’immigration ont rapporté début septembre avoir enregistré plusieurs demandes d’asile. « Une grande partie de l’équipe » burundaise était concernée, selon l’agence de presse Belga.
À l’époque, Nicole de Moor avait déjà souligné que ces candidats à l’asile relevaient « de la responsabilité de la Croatie », pays membre de l’UE et de l’espace Schengen de libre circulation, où ils bénéficiaient vraisemblablement d’un visa de court séjour pour leur tournoi.
« On vous met dans la rue »
Le choix de la Belgique n’est pas un hasard. Ancienne puissance coloniale au Burundi, le pays héberge une importante communauté de Burundais et de Belges d’origine burundaise.
« Depuis mon départ du Burundi, la destination finale, c’était la Belgique, avait raconté Richard, un exilé burundais à la rue à Bruxelles, rencontré par InfoMigrants en février 2023, en pleine crise de l’accueil dans le pays. Et je me retrouve dehors, sous 3 degrés.
Heureusement que les habitants et les associations sont là ».
En quittant le Burundi, Pascal, psychologue clinicien avait lui aussi une tout autre idée de la Belgique. « Mes amis m’avaient dit qu’ici, les personnes comme moi étaient bien accueillies, que pour avoir des papiers, ça ne traînait pas, avait-il affirmé. En arrivant, j’ai été très surpris. On vous met dans la rue comme ça… Je n’ai pas compris. »
« Exécutions extrajudiciaires » et « disparitions »
Les Burundais fuient depuis de nombreuses années une situation économique et politique très difficile. En 2020, plus de 85 % de la population vivait sous le seuil de grande pauvreté, fixé à 1,90 dollar par jour. La même année, le pays se classait 185e sur 189 pays du classement de l’indice de développement humain.
À cela s’ajoute une crise politique débutée en 2015 et qui ne cesse de s’enliser.
D’après Human Rights Watch (HRW), « des informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions et d’arrestations arbitraires de membres de l’opposition persistent », malgré le mince espoir suscité par l’élection du président Évariste Ndayishimiye. « Si quatre journalistes éminents ont été graciés et libérés fin 2020, plusieurs défenseurs des droits humains restent en prison malgré les appels internationaux en faveur de leur libération ».
D’après une note du commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), basé à Bruxelles, plusieurs observateurs ont constaté cette année une stagnation « de la situation des droits de l’Homme ».
« Les violations recensées pendant les années précédentes perdurent », est-il expliqué. Celles-ci sont pour la plupart la responsabilité des forces de sécurité et des Imbonerakure, officiellement un mouvement politique de jeunesse, mais régulièrement assimilé à une milice aux ordres du pouvoir.
« De nouveaux cas d’harcèlements, d’arrestations et de condamnations de défenseurs des droits de l’Homme et de journalistes ont eu lieu pendant le premier trimestre de 2023, ajoute la note. De nombreux activistes et journalistes restent en exil ».
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