Immigration : accord trouvé sur une vaste réforme de la politique migratoire dans l’UE

Alors que la France traverse un épisode de crise relatif à la controversée loi immigration, l’Union européenne vient de trouver un accord ce mercredi sur la réforme du système migratoire européen. Une réforme contestée par de nombreuses associations d’aide aux migrants.

Alors que l’adoption en France de la loi controversée sur l’immigration provoque une crise dans le camp du président Emmanuel Macron, en raison du soutien de l’extrême droite à cette réforme, l’Union européenne vient de son côté de trouver un accord ce mercredi matin sur la réforme de son système migratoire.

Après des années de discussion et une nuit entière d’ultimes tractations, « un accord politique a été trouvé sur les cinq dossiers du nouveau Pacte sur la migration et l’asile », a écrit la présidence espagnole du Conseil de l’UE sur X (ex-Twitter). La commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson a salué quant à elle un « moment historique ».

L’accord politique devra encore être formellement approuvé par le Conseil de l’UE (où siège les représentants des Etats membres) et le Parlement européen. L’objectif est une adoption finale de l’ensemble des textes avant les élections européennes de juin 2024, alors que la question de l’immigration accapare le débat politique dans de nombreux pays européens, sur fond de montée des partis d’extrême droite et populistes.

Une réforme « urgente et depuis longtemps nécessaire »

Le pacte asile et migration, présenté par la Commission européenne en septembre 2020, est une nouvelle tentative de refonte des règles européennes, après l’échec d’une précédente proposition en 2016 dans la foulée de la crise des réfugiés. L’UE connaît actuellement une hausse des arrivées irrégulières, ainsi que des demandes d’asile. 

Sur les onze premiers mois de l’année 2023, l’agence Frontex a enregistré plus de 355.000 traversées des frontières extérieures de l’UE, soit une hausse de 17%. Les demandes d’asile quant à elles pourraient atteindre plus d’un million d’ici la fin 2023, selon l’Agence de l’UE pour l’asile (EUAA).

Cet accord représente « une solution équilibrée qui ne laisse plus les pays frontaliers de l’UE, particulièrement exposés à la pression migratoire, se sentir seuls », a affirmé Matteo Piantedosi, le ministre italien de l’Intérieur, dans un communiqué. L’Italie est en première ligne des arrivées de migrants qui cherchent à rallier l’Europe par la Méditerrannée depuis l’Afrique du Nord et Rome estime que les pays de l’UE ne font pas suffisamment pour l’aider.

« L’approbation de l’accord est un grand succès pour l’Europe et pour l’Italie, qui pourra désormais compter sur de nouvelles règles pour gérer les flux migratoires et lutter contre les trafiquants d’êtres humains », a ajouté le ministre.

L’Allemagne s’est félicitée ce mercredi d’une réforme « urgente et depuis longtemps nécessaire ».

« Pour la première fois, les États membres de l’UE sont maintenant tenus à la solidarité », a déclaré la ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, dans un communiqué. Cet accord constitue « une réponse européenne importante au grand effort national visant à mettre en œuvre une politique d’immigration stricte mais juste », a assuré de son côté le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis lors d’un conseil des ministres.

Même son de cloche en Espagne où le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a estimé quant à lui qu’il s’agissait d’« un accord fondamental pour l’Espagne (…) qui va nous permettre quelque chose de très important: améliorer la gestion de nos frontières (et) gérer de manière plus humaine et coordonnée les flux migratoires ».

Un système de solidarité obligatoire entre pays membres de l’UE

Dans le détail, la réforme discutée à Bruxelles conserve la règle actuellement en vigueur selon laquelle le premier pays d’entrée dans l’UE d’un demandeur d’asile est responsable de son dossier, avec quelques aménagements. Mais pour aider les pays méditerranéens, où arrivent de nombreux exilés, un système de solidarité obligatoire est dès lors organisé en cas de pression migratoire.

Les autres États membres doivent contribuer en prenant en charge des demandeurs d’asile (relocalisations) ou en apportant un soutien financier.

La réforme prévoit aussi un « filtrage » des migrants à leur arrivée et une « procédure à la frontière » pour ceux qui sont statistiquement les moins susceptibles d’obtenir l’asile, qui seront retenus dans des centres pour pouvoir être renvoyés plus rapidement vers leur pays d’origine ou de transit. 

Cette procédure s’appliquera aux ressortissants de pays pour lesquels le taux de reconnaissance du statut de réfugié en moyenne dans l’UE est inférieur à 20%.

Le Conseil de l’UE a insisté pour que même les familles avec des enfants de moins de 12 ans soient concernées par une telle procédure, qui implique une forme de détention, dans des centres situés près des frontières ou des aéroports par exemple.

Le Parlement européen a obtenu des garanties sur un mécanisme de surveillance des droits fondamentaux dans ces procédures à la frontière, sur les conditions d’accueil des familles avec jeunes enfants, sur l’accès à un conseil juridique gratuit pour les migrants, a indiqué à l’AFP l’eurodéputée française Fabienne Keller (Renew Europe), rapporteure de l’un des textes.

Autre texte agréé : un règlement sur les situations de crise et de force majeure, destiné à organiser une réponse en cas d’afflux massif de migrants dans un État de l’UE, comme au moment de la crise des réfugiés de 2015-2016. Il prévoit là encore une solidarité obligatoire entre les États membres et la mise en place d’un régime dérogatoire moins protecteur pour les demandeurs d’asile que les procédures habituelles, avec un allongement possible de la durée de détention aux frontières extérieures du bloc.

Une réforme discutée

Toutefois, la réforme suscite les critiques des organisations de défense des droits humains. Une cinquantaine d’ONG, dont Amnesty International, Oxfam, Caritas et Save the Children avaient écrit ce lundi une lettre ouverte aux négociateurs pour les alerter sur le risque de voir ce pacte migratoire aboutir à « un système mal conçu, coûteux et cruel ».

L’eurodéputé Damien Carême a dénoncé un pacte « qui fait honte aux plus belles valeurs de l’Europe ».

« On ressort avec un texte qui est pire que la situation actuelle (…) On va financer des murs, des barbelés, des systèmes de protection partout en Europe », a-t-il déclaré sur X (ex-Twitter).

L’UE s’engage à réinstaller environ 60.000 réfugiés en 2024-2025

Quatorze pays membres de l’UE s’engagent à réinstaller près de 61.000 réfugiés en 2024-2025, a annoncé jeudi la commissaire européenne aux Affaires intérieures.

« Depuis 2015, nous avons offert une protection à 175.000 personnes à travers des programmes de réinstallation et d’admission humanitaire », a déclaré Ylva Johansson, lors d’une conférence de presse en marge du Forum mondial sur les réfugiés de l’ONU à Genève. « Pour 2024 et 2025, 14 Etats membres se sont engagés à réinstaller et à admettre pour des raisons humanitaires plus de 60.000 personnes, en fait près de 61.000 », dont 31.000 à travers des programmes de réinstallation du Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), a-t-elle ajouté.

Elle a indiqué que cela représentait globalement une légère hausse par rapport aux années précédentes, mais n’a pas donné de détails sur les 14 pays, expliquant que c’était à eux de s’annoncer.

Les programmes de réinstallation du HCR permettent aux réfugiés ayant trouvé refuge dans un premier pays de s’installer dans un autre pays qui a accepté de leur assurer une protection internationale et, à terme, une résidence permanente. Ylva Johansson a également indiqué qu’au cours des trois dernières années, les pays membres avaient accordé une protection à environ un million de personnes, ce qui signifie « que l’UE accueille aujourd’hui 20% des réfugiés dans le monde ».

latribune

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