Pourquoi la France a besoin de 3,9 millions de travailleurs étrangers

« Ce ne sont pas les patrons qui demandent massivement de l’immigration, c’est l’économie », a expliqué le président du Medef sur Radio Classique.

Longtemps, les patrons français ont marché sur des œufs quand il s’agissait de parler d’immigration. Pourtant, de nombreux métiers de l’économie française sont en tension : cuisiniers, employés de l’hôtellerie-restauration, chaudronniers, ingénieurs, ouvriers du gros œuvre du BTP, ouvriers qualifiés du bâtiment… Aujourd’hui, la main-d’œuvre immigrée occupe 10 % des emplois en France, selon les chiffres du ministère du Travail. On compte environ 2,7 millions de travailleurs immigrés (UE et hors UE).

Cette semaine, à l’occasion du vote de la loi immigration, le président du Medef, Patrick Martin, a fini par faire entendre sa voix.

« Dans les pays nordiques où le débat a été posé objectivement, ce ne sont pas les patrons qui demandent massivement de l’immigration, c’est l’économie », a-t-il affirmé sur Radio Classique. Et d’ajouter que « d’ici à 2050, nous aurons besoin, sauf à réinventer notre modèle social, sauf à réinventer notre modèle économique, de 3,9 millions de salariés étrangers » hors de l’Union européenne puisque « tous les pays de l’UE sont confrontés au même problème démographique ».

Pour affirmer cela, Patrick Martin s’appuie sur une étude prospective de 2021 du Center for Global Development.

Les chercheurs du groupe de réflexion américain basé à Washington ont scruté les projections démographiques des Nations unies de l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués et les données sur les flux migratoires internationaux. « Les Européens vivent plus longtemps et ont moins d’enfants. Cela réduit la population en âge de travailler alors même que le nombre de retraités augmente. Cela risque de mettre à rude épreuve les systèmes de protection sociale et le filet de sécurité sociale, ainsi que de ralentir la croissance économique et la prospérité de tous », fait valoir Charles Kenny, auteur de l’étude pour le Center for Global Development.

À lire aussi Loi immigration : la France risque de perdre le juteux marché des étudiants étrangers
En se basant sur les données démographiques, il chiffre les besoins de main-d’œuvre d’ici à 2050, notamment au Royaume-Uni, en France, en Allemagne. Dans notre pays, on devrait avoir besoin de 5,4 millions de travailleurs d’ici là, alors que seulement 1,5 million de nouveaux travailleurs étrangers devraient arriver. D’où un besoin de 3,9 millions de travailleurs d’ici à 2050. Toute l’Europe est dans une situation similaire. Selon le think tank, la zone UE avec le Royaume-Uni doit trouver 43,7 millions de travailleurs étrangers.

Quelle main-d’œuvre immigrée à partir de 2036 ?
Le président du Medef, qui dit s’intéresser avant à la « démographie », une « science exacte » présentant des « tendances lourdes », regrette que le débat sur la loi immigration ne se soit « pas interrogé sur l’essentiel », notamment le fait de savoir si « nous aurons besoin ou non de main-d’œuvre immigrée légale à partir de 2036 ». Cette année-là, la population active française devrait commencer à baisser, selon l’Insee. « Or, nous avons des régimes sociaux, comme les retraites, l’assurance chômage ou la santé, qui sont assis sur les revenus du travail, et donc sur l’emploi », analyse Patrick Martin.

Le patron des patrons cite le secteur de l’aide à la personne, qui connaît « d’ores et déjà d’énormes tensions de recrutement ».

« D’ici à 2030, nous aurons près de 800 000 postes à pourvoir avec le défi démographique du vieillissement de la population et l’envie de vieillir chez soi », expliquait récemment Pierre-Olivier Ruchenstain, directeur général de la Fepem, dans une enquête du Point. Pour le président du Medef, il est donc urgent de « raisonner » les débats sur l’immigration en France. Sera-t-il entendu ?

lepoint

You may like