En Gambie, des sirops et des tests frelatés ?

Plus d’un an après le décès, en Gambie, de 69 enfants ayant absorbé des sirops contre la toux, un enquêteur évoque l’éventuelle corruption d’un régulateur indien des médicaments.

Le déroulé de l’affaire avait abasourdi les Gambiens. Fin juillet 2022, les autorités sanitaires de Gambie détectaient une augmentation des cas de lésions rénales aiguës chez les enfants de moins de cinq ans.
Alors que 69 mineurs seront déclarés décédés d’une détérioration rapide de la capacité des reins, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) déclenchera, en octobre de la même année, une alerte mondiale et attirera l’attention sur quatre médicaments de la société indienne Maiden Pharmaceuticals : la solution orale de prométhazine, le sirop pour bébé Kofexmalin contre la toux, le sirop pour bébé Makoff contre la toux et le sirop pour le rhume Magrip N Cold.

Contamination à l’antigel

Une commission parlementaire gambienne évoquera des suspicions convaincantes de contamination au diéthylène glycol et à l’éthylène glycol (parfois utilisés comme antigel), recommandera l’interdiction dans le pays de tous les produits de cette entreprise, ainsi que des poursuites judiciaires.

Au titre du principe de précaution, l’Inde ordonnera, en octobre également, l’arrêt de la production de l’usine principale des produits incriminés, unité installée dans l’État d’Haryana. En décembre, affirmant qu’un laboratoire gouvernemental avait effectué un nombre probant de tests, le contrôleur général des médicaments de l’Inde déclarera « tous les échantillons de contrôle des quatre produits […] conformes aux spécifications ».

L’OMS sera alors qualifiée de « présomptueuse » dans son évocation « fausse et incorrecte » d’une contamination présumée des sirops antitussifs par des substances toxiques. Fin de l’histoire ?

Soupçons de corruption

Plus d’une année après ces joutes oratoires, un enquêteur de la Food and Drug Administration de l’État d’Haryana vient de jeter un pavé dans la mare. Ce 23 décembre 2023, il affirmait toucher au but dans une enquête qui pourrait révéler une corruption du régulateur des médicaments de l’État indien. Une plainte pour falsification d’échantillons ou soudoiement de fonctionnaires avait été déposée.

Les échantillons testés en 2022 ont-ils été modifiés et les résultats des tests falsifiés ?

Au lendemain de ce teasing d’avant-Noël, Naresh Kumar Goyal évoquait la malveillance d’un concurrent à l’origine de la plainte. Il affirmait qu’il n’existe aucune preuve d’une modification de l’échantillon ni du versement d’un « de pot-de-vin » évalué par certaines sources à 600 000 dollars.

L’industrie pharmaceutique indienne lui emboitera le pas, niant avoir falsifié les tests.

Alors que l’Inde, productrice d’un tiers des médicaments de la planète, est considérée comme la « pharmacie du monde », les spécialistes de la santé attendent fébrilement les résultats complets de l’enquête de la Food and Drug Administration de l’État d’Haryana. Les sirops de Maiden Pharmaceuticals sont suspectés d’avoir provoqué d’autres décès, notamment au Cameroun, en Indonésie et en Ouzbékistan.

jeuneafrique

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