Le ministère des Affaires étrangères n’a pas renouvelé l’agrément permettant à l’association Anticor d’intervenir dans des dossiers de lutte contre la corruption et d’atteinte à la probité.
L’exécutif n’a pas renouvelé, mardi 27 décembre, l’agrément permettant à l’association Anticor d’intervenir dans des dossiers de lutte contre la corruption. Une décision qualifiée de « cadeau de Noël aux corrupteurs » par l’avocat de l’ONG, qui va la contester devant la justice administrative.
La ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna, à qui la tâche de renouveler ou non cet agrément a été dévolue in extremis dans un décret du 24 décembre, avait jusqu’à mardi minuit pour le faire.
L’ONG anticorruption, qui avait déposé en juin une nouvelle demande d’agrément après l’annulation du précédent par la justice, n’a pas reçu de réponse ; ceci équivaut à une « décision implicite de refus », selon une source au ministère des Affaires étrangères.
Cette décision « peut faire l’objet d’un recours devant la même justice administrative, qui pourra statuer sur son bien-fondé », a précisé cette source. « La possibilité pour cette association comme pour d’autres de signaler des dossiers à la justice et de porter plainte reste intacte », a-t-elle par ailleurs assuré.
« Nos actions agacent profondément le gouvernement »
« Cette décision ne nous surprend pas malheureusement car nous sommes bien conscients que nos actions contre la corruption agacent profondément le gouvernement », a réagi auprès de l’AFP Élise Van Beneden, présidente du bureau de l’ONG.
L'association Anticor fait face à un refus implicite d'agrément. Cette décision intervient après 6 mois d'instruction par la Direction des Affaires Criminelles et des Grâces durant laquelle aucun reproche n'a été formulé contre l'association. #JeSoutiensAnticor
— Anticor (@anticor_org) December 27, 2023
L’agrément permet à l’association d’agir en justice dans les affaires de corruption et d’atteinte à la probité présumées, notamment en cas d’inaction du parquet.
Vers un recours devant la justice administrative
« C’est un cadeau de Noël pour les corrupteurs », a cinglé de son côté l’avocat d’Anticor, Me Vincent Brengarth, jugeant cette décision « scandaleuse ». « Elle torpille la lutte contre la corruption et met un peu plus à mal le devoir d’exemplarité », a-t-il poursuivi, ajoutant qu’elle confirmait « l’inanité de la procédure d’agrément, dans laquelle les gouvernants peuvent tour à tour être censeurs de l’action des associations et mis en cause ».
Anticor va « contester cette décision devant la justice administrative », selon Élise Van Beneden, qui a dit être « d’une certaine manière soulagée de pouvoir enfin démontrer que l’association remplit bien tous les critères pour être agréée, à l’abri des considérations politiques du gouvernement ».
En juin, le tribunal administratif de Paris avait annulé un arrêté signé en avril 2021 par le Premier ministre d’alors, Jean Castex, qui renouvelait pour trois ans cet agrément, une décision confirmée par la cour administrative d’appel le 16 novembre.
Le tribunal administratif avait été saisi par deux dissidents de l’association qui estimaient la procédure de renouvellement de l’agrément irrégulière et jugeaient que l’association ne remplissait pas les conditions exigées pour être agréée.
Après la décision du tribunal administratif, l’ONG avait déposé en juin une nouvelle demande d’agrément.
Celle-ci avait fait l’objet d’un déport du ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, en faveur de la Première ministre Élisabeth Borne, puis le 24 décembre, in extremis, cette dernière s’était elle aussi déportée, confiant cette tâche à la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna.
L’agrément permet depuis 2015 à l’association d’agir en justice dans les affaires de corruption et d’atteinte à la probité présumées, notamment en cas d’inaction du parquet.
AFP