Deux Russes lourdement condamnés pour un poème hostile à l’offensive en Ukraine

Moscou– Un tribunal de Moscou a condamné jeudi à des peines allant de cinq ans et demi à sept ans de prison deux poètes russes qui ont participé à une lecture contre le conflit en Ukraine, nouvel exemple de la répression sévissant dans le pays.

Des milliers de Russes, opposants ou citoyens ordinaires, ont été condamnés par les tribunaux pour avoir critiqué l’offensive contre l’Ukraine depuis deux ans, parfois à des peines particulièrement sévères.

Les soutiens d’Artiom Kamardine, 33 ans, et d’Iegor Chtovba, 23 ans, ont hurlé « Honte! » à l’annonce de ce jugement, la femme du premier lui criant qu’elle l’aimait, a constaté une journaliste de l’AFP présente à l’audience.

« C’est de l’arbitraire absolu! », s’est exclamé le père d’Artiom Kamardine, Iouri. Plusieurs personnes ont été arrêtées par la police devant le tribunal après le jugement des deux hommes, selon l’ONG spécialisée OVD-Info.

Artiom Kamardine et Iegor Chtovba avaient été interpellés en septembre 2022 après avoir participé à une lecture publique à Moscou sur la place Trioumfalnaïa, près du monument au poète Vladimir Maïakovski, un point de rendez-vous de dissidents depuis l’époque soviétique.

Lors cette lecture, Artiom Kamardine avait récité un poème, « Tue-moi, milicien! », très hostile aux séparatistes prorusses de l’est de l’Ukraine.

Le lendemain, il avait été arrêté lors d’une perquisition à son domicile pendant laquelle il a affirmé avoir été tabassé et violé avec un haltère par des policiers.

Le poète russe Artyom Kamardin devant un tribunal de Moscou le 28 décembre 2023
Le poète russe Artyom Kamardin devant un tribunal de Moscou le 28 décembre 2023

D’abord poursuivis pour « incitation à la haine », les deux poètes ont ensuite été également inculpés d' »appels publics à commettre des activités contre la sécurité de l’Etat ».

« Rentrer à la maison »

« Je ne suis pas un héros, et aller en prison pour ce que je pense n’a jamais fait partie de mes plans », avait affirmé Artiom Kamardine à la cour, dans son discours final, posté sur Telegram par ses soutiens.

Implorant le juge de le laisser « rentrer à la maison », il avait promis en retour de se tenir à distance de tout « sujet sensible ».

« Mes convictions ne changeront pas », avait-il affirmé, « mais je peux vous garantir que je ne les exprimerai plus en public ».

L’épouse de M. Kamardine, Alexandra Popova, a regretté auprès de l’AFP une peine « très sévère ». « Sept ans pour de la poésie, un délit non violent », a-t-elle pointé.

Un troisième poète, Nikolaï Daïneko, arrêté en même temps, a été condamné à quatre ans de prison en mai, selon OVD-info.

La Russie réprime depuis des années les voix critiques, mais la campagne de répression a pris une ampleur considérable avec le lancement de l’offensive contre l’Ukraine.

Le poète russe Yegor Shtovba devant un tribunal de Moscou le 28 décembre 2023
Le poète russe Yegor Shtovba devant un tribunal de Moscou le 28 décembre 2023

La quasi-totalité des opposants d’envergure ont été emprisonnés ou poussés à l’exil et des milliers de Russes ordinaires ont été poursuivis et condamnés à des amendes ou des peines de prison pour avoir manifesté leur désaccord avec le Kremlin.

En novembre, l’artiste Alexandra Skotchilenko, arrêtée en Russie en avril 2022, a ainsi été condamnée à sept ans de prison pour avoir remplacé les étiquettes de prix dans un supermarché par des messages dénonçant l’offensive en Ukraine.

Selon OVD-Info, près de 20.000 personnes ont été arrêtées en Russie pour leur opposition au conflit en Ukraine depuis février 2022. L’ONG Memorial recense 633 prisonniers politiques derrière les barreaux.

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