Plusieurs milliers de personnes ont manifesté, mercredi, à Buenos Aires, contre l’adoption du « méga-décret » adopté par le nouveau président argentin Javier Milei. Le paquet de mesures vise à dérégulariser l’économie argentine tout en réduisant drastiquement le déficit budgétaire via des mesures d’austérité.
Le vent de révolte se poursuit en Argentine. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté, mercredi 27 décembre, à Buenos Aires, donnant lieu à des bousculades avec la police et interpellations, lors du troisième rassemblement en huit jours contre un décret de dérégulation massive de l’économie par le nouveau président ultralibéral Javier Milei.
En parallèle, le président élu le mois dernier a poursuivi sa révolution « libérale » en envoyant au Parlement, en session extraordinaire depuis mardi et jusqu’à fin janvier, un ensemble de projets ou modifications de lois affectant maints domaines de la sphère publique et privée, du fiscal à l’électoral, au matrimonial, ou au contrôle des manifestations.
Sept interpellations après les manifestations
Devant le Palais de justice mercredi, les manifestants, à l’appel de plusieurs syndicats dont la grande centrale CGT, accompagnaient le dépôt d’un recours en justice par des syndicats contestant le caractère constitutionnel du « méga-décret » du 20 décembre, comme l’a baptisé la presse.
« Nous ne remettons pas en question la légitimité du président Milei, mais nous voulons qu’il respecte la séparation des pouvoirs.
Les travailleurs ont besoin de défendre leurs droits lorsqu’il y a inconstitutionnalité », a déclaré à la presse Gerardo Martinez, dirigeant du syndicat de la construction, l’un des organisateurs.
Le rassemblement s’est dispersé dans le calme après la mi-journée, mais des groupes épars ont continué à faire face à la police, déployée en nombre, qui tentait d’évacuer une avenue, donnant lieu à des bousculades. Sept personnes ont été interpellées pour rébellion, selon plusieurs médias.
Le Parlement va examiner le décret
Javier Milei a publié la semaine dernière, dix jours après sa prise de fonction un « DNU » (décret de nécessité et d’urgence), qui vise à modifier ou abroger plus de 300 normes, notamment supprimant l’encadrement des loyers, l’intervention de l’État pour protéger les prix de produits essentiels, affaiblissant la protection des travailleurs, habilitant des privatisations.
Le décret entre en vigueur vendredi, dans l’attente de sa validation effective par le Parlement, qui ne devrait toutefois pas l’examiner dans l’immédiat. Théoriquement en pause estivale, les parlementaires siègent depuis mardi en session extraordinaire, mais seulement pour examiner des projets de lois complémentaires, parallèles au DNU, déposés mercredi.
La représentation nationale a le pouvoir d’abroger ce « décret d’urgence » avec la majorité absolue des deux chambres, ce qu’aucune formation politique ne détient.
Le parti de Milei, la Libertad Avanza, n’est que la troisième force, même s’il peut compter avec l’appui du bloc de centre-droit, le deuxième en importance.
« Aujourd’hui nous nous tournons vers la justice, mais un autre chapitre se jouera au Parlement, qui devra tenir un débat profond », a souligné Gerardo Martinez.
Nombreuses mesures d’austérité
Le train de dispositions de plus de 600 articles déposé mercredi, solennellement baptisé « Loi des bases et points de départ pour la liberté des Argentins », vise selon la présidence « à restaurer l’ordre économique et social basé sur la doctrine libérale incarnée dans la Constitution de 1853 », en « défense de la vie, de la liberté et de la propriété des Argentins ».
Pêle-mêle, il touche au système électoral – visant la suppression des élections primaires obligatoires, coûteuses pour le contribuable selon l’exécutif -, au régalien, en renforçant les sanctions pénales pour entrave lors de manifestations. Et aux retraites, en prévoyant un mode de calcul automatique « économiquement viable ».
Il précise aussi les 41 entreprises publiques – dont le géant pétrolier YPF, la compagnie aérienne Aerolineas Argentinas, la société ferroviaire Ferrocarriles Argentinos- que l’État souhaite privatiser.
Et « libéralise » aussi la sphère privée, avec l’instauration d’un « divorce express » par simple acte administratif.
Ce train de loi signale l’intention du gouvernement d’avancer sur le terrain parlementaire, tandis qu’un vif débat s’est instauré ces derniers jours entre juristes sur le caractère constitutionnel, ou non, du « méga-décret » du 20 décembre.
Bien effectives en revanche sont les premières mesures d’austérité annoncées dès les premiers jours de la présidence Milei.
Ainsi la dévaluation de plus de 50 % du peso, la devise nationale, et la baisse imminente, dès janvier, de subventions aux transports et à l’énergie, vouées à affecter le quotidien de millions d’Argentins. Avec, pour le gouvernement, l’objectif d’une réduction drastique du déficit budgétaire chronique de l’Argentine, engluée dans une inflation à 160 % sur un an.
AFP