Les exilés du camp installé dans le stade de Cavani, à Mamoudzou, ne seront pas expulsés. Le tribunal administratif de Mayotte a rejeté la demande du département en ce sens, au motif que « le caractère d’urgence, qui permet de justifier cette démarche, n’a pas été démontré ». Depuis plusieurs mois, près de 200 demandeurs d’asile survivent à cet endroit dans des conditions de vie déplorables.
Un peu de répit pour les exilés du camp de Cavani. Mardi 26 décembre, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté la demande du département pour l’expulsion de leur lieu de vie informel, installé dans le stade de ce quartier de Mamoudzou.
Selon le juge des référés, « le caractère d’urgence, qui permet de justifier cette démarche, n’a pas été démontré », explique La 1ère .
Le département « ne produit pas [non plus] le marché public de travaux de rénovation du stade de Cavani dont il se prévaut, non plus qu’aucun document justifiant de la nature précise des travaux à effectuer et du calendrier de ceux-ci », précise aussi le juge des référés. Pour les autorités locales à l’origine de la plainte, le camp empêchait en effet la réalisation de travaux de rénovation et de sécurisation du site d’un montant d’1,6 million d’euros.
Le conseil départemental avait par ailleurs fait valoir que les occupants du camp « perturbaient les entraînements et matchs de la ligue mahoraise de football et de l’Union sportive de Kavani ».
Il pointait du doigt, aussi, les risques sanitaires liés à la présence de « multiples déchets de bois et de tôles, de nombreux déchets ménagers et de toilettes avec fosses septiques à ciel ouvert ».
Des arguments qui ne justifient pas, pour la justice mahoraise, l’expulsion des 200 exilés et la destruction du camp. Le juge reconnaît en revanche « les conditions sanitaires particulièrement dégradées des lieux ».
« On n’a pas le choix »
Ces migrants, pour la plupart des demandeurs d’asile, sont installés à cet endroit, faute de mieux, depuis plusieurs mois. Originaires de la République démocratique du Congo (RDC), du Rwanda ou encore de Somalie, ils tentent de survivre sous des toiles de tentes en attendant d’être pris en charge par l’État.
InfoMigrants avait pu s’entretenir en novembre dernier avec Salma*, qui occupait le camp avec ses deux filles de deux ans et demi et quatre ans.
Cette mère célibataire soudanaise avait quitté la guerre dans son pays quatre mois plus tôt. « On dort sous une bâche, les conditions de vie sont extrêmement difficiles », avouait-elle. Ses fillettes n’avaient pas accès quotidiennement à de la nourriture et développaient régulièrement des maladies et des problèmes de peau.
De plus, l’île traverse une grave crise de l’eau qui rend encore plus précaires les conditions de vie des migrants : se procurer de quoi boire ou se laver dans le camp est extrêmement difficile. Pour trouver de l’eau, les migrants sont obligés de puiser à même le sol, dans les caniveaux et les cours d’eau. Et pour se nourrir, ils fouillent les poubelles mais malgré cela, ne parviennent pas tous les jours à manger à leur faim.
Enfin, sans sanitaires, le manque d’hygiène est criant : les exilés font leur besoin dans des sacs plastiques et les jettent à la poubelle.
« On souffre mais on n’a pas le choix », affirmait aussi Ferdinand, un Congolais de 37 ans arrivé à Mayotte deux mois auparavant.
« Mais dans le stade, on a plus de place et on est protégés des violences », concédait-il. « Alors que dans la rue, les voitures passent juste à côté de nos tentes, on risque d’avoir des accidents. Et puis, certains habitants nous agressent dans la nuit : ils prennent notre nourriture, arrachent les téléphones, nous frappent et fouillent nos affaires. Ils nous disent qu’on n’est pas les bienvenus et qu’on doit rentrer chez nous. Ici, on est un peu plus cachés ».
« Tout est difficile »
À Mayotte, le réseau d’hébergement des demandeurs d’asile – un statut qui octroie aux exilés le droit d’être hébergé par l’État – est saturé. Alors les migrants s’installent où ils peuvent : dans le camp de Cavani, dans les bidonvilles de l’île, ou sur les trottoirs du local de l’association Solidarité Mayotte.
C’est le cas de Rodrigues et de sa femme, qui ont fui la RDC pour Mayotte en avril 2023.
Le couple, rencontré par InfoMigrants, dort sur des matelas en mousse posés devant le bâtiment de l’ONG. « Regardez la misère dans laquelle on se trouve », avait-il déploré. « On ne peut même pas faire une petite toilette, se laver. Tout est difficile. Ce qu’on est en train de fuir, c’est ce qu’on est en train de retrouver ici finalement. Je n’en peux plus.
On m’a dit que je trouverais la paix ici. Mais je ne trouve rien, même pas à manger ».
Pour Charline Ferrand-Pinet, directrice de Solidarité Mayotte, si l’accès à l’hébergement est une problématique majeure, elle n’est pas la seule.
« On peut ouvrir des centaines de places supplémentaires mais si on accélère par le traitement des demandes d’asile et l’obtention de document d’identité pour les réfugiés, et qu’on n’intègre pas mieux les statutaires, le problème ne sera pas réglé ».
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