Covid-19 en Afrique : ces variants qui pourraient changer la donne

Alors que le nombre de cas de Covid-19 en Afrique dépasse tous les pics précédents, de nouveaux variants, comme Delta, se propagent plus rapidement, alimentant la troisième vague. Faut-il s?inquiéter ? Questions-réponses autour des enjeux socio-économiques qu?impose cette nouvelle donne.

Quels sont les variants qui circulent en Afrique ?

Jusqu?ici, l?Afrique avait résisté aux scénarios catastrophes en cours en Inde et au Brésil ? le nombre de décès depuis le début de la pandémie est estimé à 139 000. Mais, depuis la mi-mai, elle est rattrapée par une troisième vague qui « se propage plus vite et frappe plus fort » et « risque d?être la pire », s?est alarmée il y a quelques jours, Matshidiso Moeti, directrice régionale de l?Organisation mondiale de la santé (OMS).

Le responsable de cette nouvelle donne s?appelle Delta. Ce variant, découvert pour la première fois en Inde, a été signalé dans 16 pays, notamment en République démocratique du Congo, en Ouganda, en Afrique du Sud. Selon l?OMS, il s?agit du variant le plus contagieux à ce jour, dont la transmissibilité est estimée entre 30 et 60 % supérieure à celle des autres variants.

Selon les derniers rapports nationaux, le variant Delta a été détecté dans 79 % des échantillons séquencés en République démocratique du Congo et dans 97 % des échantillons séquencés en Ouganda. « Delta représente 84 % des variants en circulation » en RDC qui a enregistré 41 353 cas de Covid-19, avec 933 décès depuis mars 2020, a indiqué le professeur Muyembe, directeur de l?Institut national de recherche biomédicale (INRB) de la RDC et chef de la riposte contre le Covid-19 dans le pays. « Sur le plan clinique, nos hôpitaux sont débordés, les morgues débordées, beaucoup d?hommes politiques et les professeurs d?université ont été contaminés par le virus et beaucoup sont décédés », a-t-il déclaré.

Fait marquant, cette troisième vague touche de nombreux jeunes dans les hôpitaux, « ce qui est différent de la deuxième vague ». C?est le cas de l?Ouganda, où 66 % des cas graves touchant les personnes de moins de 45 ans sont attribués au variant Delta.

Tout aussi inquiétant, les responsables sanitaires sont confrontés à un afflux de patients présentant des symptômes protéiformes. En Afrique du Sud, pays officiellement le plus touché du continent avec 35 % des infections, les médecins voient arriver des malades présentant des symptômes grippaux ne correspondant pas forcément avec les marqueurs du Covid. « Ce que nous voyons actuellement est différent de la première ou de la deuxième vague », décrit la responsable de l?Association sud-africaine des médecins, Angelique Coetzee. La Namibie et la Zambie voisines voient aussi les courbes du Covid prendre des trajectoires exponentielles. Le ministre zambien de la Santé a récemment évoqué des morgues surchargées.

D?autres variants comme l?Alpha (britannique) et le Beta (sud-africain) ont été signalés dans 32 et 27 pays respectivement. Le découpage de l?Afrique se présente finalement avec un variant Alpha très présent dans la plupart des pays d?Afrique du Nord, de l?Ouest et du Centre. Un variant Beta plus répandu en Afrique australe. Mais aussi un variant nigérian dit Êta. Bémol, en Afrique, comme il y a peu de laboratoires équipés pour le séquençage du génome, c?est-à-dire capables de lire le code génétique du virus, l?OMS doit organiser un rapatriement des échantillons dans son réseau de laboratoires de référence afin de mieux surveiller la mutation des variants.

Dans tous les cas, la troisième vague touche désormais des pays relativement épargnés jusqu?ici, comme le Liberia et la Sierra Leone, en Afrique de l?Ouest. « La situation est bien plus alarmante qu?il y a un an », a déclaré le président du Liberia, George Weah, décrivant des hôpitaux remplis de malades en difficulté respiratoire.

L?Afrique peut-elle faire face à l?augmentation de la demande d?oxygène ?

Avec l?augmentation du nombre de cas et d?hospitalisations sur tout le continent, l?OMS estime que la demande d?oxygène est désormais 50 % plus élevée que lors du pic de la première vague il y a un an. « Plus de transmission signifie plus de maladies graves et plus de décès », a résumé Matshidiso Moeti. Des milliers de bouteilles d?oxygène sont en cours d?approvisionnement pour l?Ouganda, la Zambie, la Namibie, le Zimbabwe et le Rwanda. Dans les semaines à venir, l?OMS disposera d?un stock régional de concentrateurs d?oxygène, tout ce matériel d?urgence pourra être déployé rapidement dans les pays qui en ont besoin.

Pourquoi les gestes barrières ne suffisent plus ?

La résurgence du virus sur le continent coïncide avec une lassitude des mesures barrières. Dans de nombreux pays, le port du masque a montré ses limites, les rassemblements ont retrouvé leurs niveaux d?avant, dans le même temps, les populations ne bénéficient pas de mesures de compensations et peuvent donc difficilement rester sans travailler. Les autorités craignent le pire. C?est le cas au Sénégal, à l?approche de la fête de la Tabaski alors que quatre variants circulent dans le pays. Résultat : le continent est globalement reparti dans des mesures sanitaires strictes. L?Ouganda est à nouveau confiné, seuls les commerçants du marché de Kampala, qui nourrissent une bonne part du pays, sont autorisés à continuer leur activité. Le Kenya joue la carte du couvre-feu, tandis que la Namibie, le Rwanda ou encore le Zimbabwe ont remis des restrictions en juin. « Ils utilisent des approches locales fondées sur le risque afin d?éviter les fermetures à l?échelle nationale qui, nous le savons, portent gravement atteinte aux moyens de subsistance, en particulier ceux des ménages à faible revenu », a détaillé le Dr Moeti.

Où en est la vaccination ?

Le problème est que cette troisième vague intervient alors que le continent doit faire face à une pénurie de vaccins. Bien que huit vaccins se soient avérés sûrs et efficaces et qu?ils aient été inscrits sur la liste des vaccins d?urgence de l?OMS, les expéditions vers l?Afrique se sont taries. Seules 15 millions de personnes ? soit 1,2 % seulement de la population africaine ? sont entièrement vaccinées, contre 11 % des personnes dans le monde et plus de 46 % des personnes au Royaume-Uni et aux États-Unis.

« Alors que les difficultés d?approvisionnement se poursuivent, le partage des doses peut contribuer à combler le fossé. Nous sommes reconnaissants des promesses faites par nos partenaires internationaux, mais il est urgent de prendre des mesures concernant les allocations. L?Afrique ne doit pas être laissée à l?abandon dans les affres de la pire vague qu?elle ait jamais connue », a plaidé la directrice régionale de l?OMS.

« C?est une course contre la montre, la pandémie est en avance sur nous. En Afrique, nous ne sommes pas en train de remporter la bataille contre le virus », avertit John Nkengasong du CDC Africa. Une flambée des cas en Inde, principal fournisseur de vaccins d?AstraZeneca, a retardé les livraisons par le biais du dispositif Covax de l?OMS. Mais en plus du manque d?approvisionnement, le continent a accumulé les doutes et les défaillances. Des pays dotés de vaccins n?ont pas réussi à les administrer avant leur péremption. Le Malawi a détruit en mai près de 20 000 doses périmées. La République démocratique du Congo et le Sud-Soudan en ont renvoyé plus de deux millions.

L?Afrique du Sud, qui n?a vacciné que 2,2 millions de personnes sur une population de 59 millions, a dû détruire 2 millions de doses après une erreur lors de la fabrication. À ce jour, 18 pays africains ont épuisé la quasi-totalité des vaccins envoyés par l?OMS. Le mois dernier, des centaines de citoyens ont manifesté à Harare, après l?épuisement des stocks dans le principal centre de vaccination.

Que prévoient les pays occidentaux ? Où les touristes pourront-ils se rendre ?

La France a classé cinq pays africains en « rouge » vaccins anti-Covid  ce que l?Afrique attend de la levée des brevets à cause d?une « circulation active du coronavirus » ainsi que « la présence de variant préoccupant » dans ces pays. Il s?agit de la République démocratique du Congo, de l?Afrique du Sud, de la Zambie, mais aussi de la Namibie et des Seychelles. Les passagers au départ des capitales de ces États devront donc justifier d?un motif impérieux pour voler vers les aéroports français, présenter à l?embarquement le résultat négatif d?un test PCR ou antigénique, passer un test antigénique à l?arrivée et passer par la case isolement de 7 jours pour les vaccinés et de 10 jours pour les non-vaccinés. En Europe, pour la Belgique, la RDC est même devenue un « pays à très haut risque ». Le pays d?Afrique centrale figure avec d?autres sur une liste de 27 pays vers lesquels il restera interdit de voyager.

L?Union européenne va-t-elle reconnaître le vaccin Covishield distribué en Afrique ?

Alors que le certificat sanitaire européen est entré en vigueur le 1er juillet pour faciliter les déplacements et relancer le tourisme au sein de l?Union européenne cet été, l?Union africaine et ses Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC-Africa) ont averti que la non-prise en compte de la version indienne du vaccin d?AstraZeneca par le « certificat sanitaire européen » posait des risques de discrimination pour les personnes vaccinées en Afrique.

Selon ces nouvelles règles, les 27 pays de l?UE, plus Suisse, Liechtenstein, Islande et Norvège, sont tenus d?accepter sur leur sol les voyageurs vaccinés avec les quatre produits autorisés au niveau européen : ceux de Pfizer/BioNTech, Moderna, AstraZeneca et Johnson & Johnson. Mais l?Agence européenne des médicaments ne reconnaît jusqu?ici pas le Covishield, la version de l?AstraZeneca produite en Inde et distribuée en Afrique via le dispositif international Covax. « Les règles actuelles mettent en péril le traitement équitable des personnes vaccinées dans des pays ayant recours au programme Covax, y compris dans la majorité des États membres de l?Union africaine », ont jugé dans un communiqué l?UA et les CDC-Africa. « Ces développements sont préoccupants, car le Covishield constitue la colonne vertébrale du dispositif Covax, soutenu par l?Union européenne, d?appui aux programmes de vaccination des pays de l?Union africaine », selon le texte. Un porte-parole de la Commission européenne à Bruxelles, Adalbert Jahnz, a toutefois indiqué mardi que les États membres ont la possibilité et non l?obligation d?autoriser sur leur sol les personnes pleinement vaccinées avec des vaccins figurant sur la liste de l?OMS, ce qui est notamment le cas de la version indienne de l?AstraZeneca.

Sur la question spécifique du Covishield, ce porte-parole a ajouté : « C?est une question que nous sommes en train de regarder plus en détail. »

Source: lepoint

1 Commentaire
  1. donfefs 10 mois ago

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