Une étude confirme que l’hydroxychloroquine, présentée parfois comme un remède miracle contre le Covid-19, n’en était pas un. La recherche associe la mort d’au moins 17’000 personnes à ce médicament en Belgique, en France, en Italie, en Espagne, en Turquie et aux Etats-Unis. Son auteur, Jean-Christophe Lega, estime qu’il aurait fallu mieux étudier la substance avant de la recommander.
A l’origine utilisée contre la malaria, l’hydroxychloroquine a été très largement promue pendant la pandémie de Covid-19 malgré l’absence de preuves scientifiques sur son efficacité et contre l’avis de la plupart des spécialistes.
L’étude publiée dans la revue Biomedicine & Pharmacotherapy le 2 janvier 2024 porte sur la première vague de la pandémie de mars à juillet 2020.
Elle démontre le danger qu’a représenté l’hydroxychloroquine lorsqu’elle était prescrite contre le Covid, allant jusqu’à entraîner la mort, dans certains cas.
« La toxicité de la molécule est connue, dans le contexte du Covid, mais en dehors aussi, avec des troubles du rythme cardiaque graves, voire mortels. Il y a une toxicité non cardiaque notamment sur le foie, le rein et les globules rouges », précise Jean-Christophe Lega, professeur de thérapeutique aux hospices civils de Lyon qui a dirigé l’étude, dans l’émission Tout un monde vendredi.
Notre erreur a été de mettre à disposition l’hydroxychloroquine alors qu’on aurait dû très fortement restreindre son utilisation et, à l’inverse, accélérer les efforts de recherche
Estimation prudente
Si 17’000 morts sont liées à l’hydroxychloroquine, ce nombre pourrait être revu à la hausse ou à la baisse dans les pays concernés par l’étude.
« Ce travail de recherche se veut modeste quant à la précision des résultats. L’incertitude est liée au manque de chiffres sur les morts potentiellement imputables à l’utilisation de cette substance pour l’intégralité des pays du monde. A noter qu’elle a été très largement employée dans des pays fortement peuplés comme la Chine et le Brésil », indique l’invité de la RTS.
Il souligne aussi le fait que l’étude ne porte que sur la première vague, entre mars et juillet 2020.
Restreindre dans un premier temps
Bien que l’hydroxychloroquine ne soit à l’origine « que » de 17’000 décès dans les six pays analysés, son utilisation à large échelle devait être contestée pour Jean-Christophe Lega.
« C’est notre devoir de faire un retour d’expérience et de garder ce fait en mémoire pour éviter de nouvelles erreurs si une nouvelle crise pandémique devait se produire. Notre erreur a été de mettre à disposition un ensemble de molécules alors qu’on aurait dû très fortement restreindre leur utilisation et, à l’inverse, accélérer les efforts de recherche », résume le professeur qui ne parle pas que de l’hydroxychloroquine.
Loin du « remède miracle »
Si l’hydroxychloroquine avait été un vrai remède miracle, comme l’ont laissé entendre ses promoteurs, elle aurait montré des signes d’amélioration des patients presque instantanément, ce qui n’a pas été le cas, remarque Jean-Christophe Lega.
« On aurait pu avoir une bonne surprise, mais elle aurait été visible au lit du patient. Dans le cas d’une molécule miracle, le patient avec de très grands problèmes ou sur le point de mourir serait allé mieux le lendemain. On ne l’a pas observé. Donc, on savait déjà que l’efficacité de l’hydroxychloroquine, si elle était avérée, avait une taille modeste. »
Selon lui, les propriétés mêmes de la molécule d’hydroxychloroquine laissaient déjà présager qu’elle ne serait pas ou peu efficace: « Dans un anticorps monoclonal, les propriétés du mécanisme sont telles qu’il est possible de présager d’une efficacité importante », détaille Jean-Christophe Lega. « Ce qui n’était pas le cas de l’hydroxychloroquine. »
Le directeur de l’étude estime que face à ces résultats, « ça n’était pas la peine de la proposer aux patients comme si c’était une urgence thérapeutique. L’urgence était plutôt de l’inclure dans un essai de bonne qualité pour produire des données de très haut niveau et ensuite généraliser son usage à l’ensemble de la population ».
« A moins que l’effet soit évident, donc que la mortalité tombe à 0% en vie réelle, il faut toujours réaliser un plan de développement complet incluant des essais », insiste l’invité de la RTS.
L’hydroxychloroquine n’est pas plus efficace combinée à d’autres médicaments, comme l’a par exemple préconisé le professeur Didier Raoult de l’Université d’Aix-Marseille. « Les études réalisées en testant azithromycine + chloroquine ou hydroxychloroquine ont systématiquement montré l’absence de bénéfices, voire une surmortalité ou des événements indésirables graves à cause de la toxicité cardiaque de ces substances », fait valoir Jean-Christophe Lega.
rts