Royaume-Uni : MSF se mobilise pour soigner des demandeurs d’asile retenus dans une ancienne base militaire

Médecins sans frontières et Médecins du monde ont annoncé cette semaine installer une clinique mobile pour prodiguer des premiers soins à des demandeurs d’asile logés dans une caserne militaire à Wethersfield, à deux heures de Londres. Un site très isolé, aux conditions de vie difficiles, et où l’accès à la santé est presque inexistant, selon les associations.

C’est une première pour Médecins sans frontières (MSF). D’ordinaire, l’association humanitaire œuvre dans les zones de conflit pour apporter une aide médicale d’urgence aux populations. Désormais, les demandeurs d’asile du Royaume-Uni intègrent son champ d’action.

Mardi 9 janvier, l’ONG a en effet installé, en partenariat avec Médecins du monde (MdM), une clinique mobile à destination des exilés retenus dans une ancienne installation militaire à Wethersfield, dans la campagne britannique de l’Essex. Environ 650 hommes âgés de 18 à 65 ans y résident, dans l’attente du traitement de leur demande d’asile. Ils proviennent principalement d’Afghanistan (29%), d’Iran (20%) et d’Érythrée (16%).

MSF et MdM, qui se disent très préoccupées par les conditions de « quasi-détention » dans lesquelles vivent ces étrangers.

Les deux ONG prévoient d’ouvrir leur clinique trois fois par semaine, aux abords des portes d’entrée du bâtiment.

Il existe pourtant déjà un centre médical sur place, financé par le NHS, le service de santé national britannique, qui emploie des infirmières ainsi qu’un docteur, présents la semaine.

Mais selon un communiqué de la branche britannique de MSF, malgré ces dispositions, les besoins médicaux des étrangers résidant dans le bâtiment ne sont pas satisfaits, et les ONG sont désormais contraintes d’intervenir. « Aucun soin lié à la santé mentale n’est prodigué sur le site », soulignent les humanitaires.

La base de Wethersfield, une « prison ouverte »
Un rapport datant du 15 décembre 2023, réalisé par la fondation Helen Bamber et le Human for Rights Network, indique que la santé mentale de ces hommes se dégrade fortement : solitude, perte de poids, appétit réduit, sentiment de désespoir, difficultés à dormir, symptômes de stress post-traumatique…

Dans ce même document, des exilés rapportent devoir se partager quatre toilettes et cinq douches pour 100 personnes, sans lumière. Le mois dernier, des cas de gale et de tuberculose ont aussi été relevés dans le centre.

« La plupart des hommes retenus à Wethersfield ont très probablement subi de la violence, la guerre, de la détention arbitraire, et d’autres traumatismes [sur la route de l’exil].

Ils nécessitent des soins de santé spécifiques et adaptés à leurs besoins », estime le docteur Javid Abdelmoneim, coordinateur du projet au sein de MSF. Pourtant, d’après les directives du ministère de l’Intérieur, les victimes de tortures, viol, ou tout autre forme d’abus physique ou psychologique, ne sont pas censées être envoyées à Wethersfield.

Décrite comme un lieu de confinement à grande échelle, cette ancienne caserne aérienne est isolée, à des kilomètres de toute grande ville, lourdement surveillée par des caméras et des agents de sécurité, et encerclée de barbelés.

Pour MdM, ce lieu, l’un des plus grands hébergements pour migrants du Royaume-Uni ouvert en juillet 2023, est une « prison ouverte ». En décembre, The Guardian révélait que plusieurs personnes logées dans la caserne avaient tenté de se suicider en s’immolant, ne supportant plus de vivre des conditions « similaires à celles en Libye ».

Pour le gouvernement, le centre « répond à tous les standards de santé »
La base militaire de Wethersfield a été réhabilitée pour réduire les coûts de logements d’urgence destinés aux exilés vivant au Royaume-Uni. Elle est largement critiquée par les associations d’aide aux migrants et certains députés d’opposition, qui militent pour sa fermeture et de meilleurs conditions d’hébergement.

Un porte-parole du ministère de l’Intérieur a pourtant assuré : « Nous répondons à nos obligations légales de fournir un logement pour les demandeurs d’asile qui seraient autrement à la rue. Cet hébergement répond à tous les standards de santé et de sécurité », cite The Guardian. James Cleverly, le ministre de l’Intérieur, a néanmoins déjà exprimé sa volonté d’essayer de fermer la base « dès que possible », souligne le média anglais The Independent.

Avec l’introduction du controversé projet de loi britannique visant à expulser les demandeurs d’asile au Rwanda, MSF estime que la situation médicale des exilés présents à Wethersfield n’ira qu’en se dégradant avec le temps. Le ministère de l’Intérieur britannique compte malgré tout augmenter les capacités du centre et faire passer le nombre de demandeurs d’asile à 1 700 cette année, soit plus du double des personnes hébergées actuellement.

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