Alors que Taïwan se prépare pour son élection présidentielle le 13 janvier, France 24 vous emmène à Taipei pour deux éditions spéciales de « À l’Affiche ! » à la découverte de la scène culturelle taïwanaise. Ouvertement menacée d’invasion par la Chine, Taïwan revendique haut et fort sa souveraineté. Dans ce premier numéro, nous nous intéressons à l’impact de cette situation géopolitique complexe sur la scène culturelle locale et au rôle que jouent les artistes dans la construction d’une identité propre à Taïwan.
Face au géant autoritaire chinois, Taïwan se démarque par la place accordée à la liberté d’expression.
Sous la loi martiale jusqu’en 1987, l’île a longtemps souffert de la censure. Désormais libres de s’exprimer, les artistes sont très créatifs et de plus en plus nombreux à affirmer leur identité taïwanaise. Pour le groupe Chtonic, liberté d’expression rime avec hurlements et riff de guitare énervés.
Louise Dupont rencontre l’homme à la tête du groupe de métal le plus connu de Taïwan : Freddy Lim, qui assume pleinement le mélange des genres.
Si la nuit, il officie sur scène avec un look plutôt gothique, la journée, c’est dans une tenue bien plus conventionnelle qu’on peut le trouver. Depuis 2016, Freddy Lim est député au parlement taïwanais. Il défend, entre autres, l’indépendance de l’île vis-à-vis de Pékin. Il nous explique comment il est passé du métal à la politique et comment la musique l’aide à faire passer son message.
Comme la plupart des jeunes Taïwanais, je me bats pour la souveraineté de Taïwan. Je veux que nous restions indépendants et que nous fassions partie du monde démocratique.
Freddy Lim, chanteur de métal et député
Humour et ironie sont aussi utilisés pour s’attaquer, l’air de rien, au problème chinois. Le tube “Fragile” cumule plus de 70 millions de vues sur Internet. En apparence, une simple chanson d’amour et de jalousie. À sa sortie en 2021, l’allusion au voisin chinois un peu trop possessif, n’a échappé à aucun Taïwanais.
Mais parfois, critiquer l’hégémonie chinoise n’est pas sans conséquence, comme l’explique à Louise Dupont, Emily Wu.
Journaliste, podcasteuse et fondatrice de « Ghost Island media », elle décrypte dans ses programmes les enjeux sociaux et politiques de la société taïwanaise. Elle raconte comment, en 2016, Chou Tzu-yu, une des membres taïwanaises du groupe de K-pop Twice a été forcée à s’excuser auprès de la Chine pour avoir brandi le drapeau taiwanais lors d’une émission de télé.
La langue majoritairement pratiquée par les artistes taïwanais est le mandarin. Donc ils sont nombreux à souhaiter avoir un public en Chine.
Emily Wu, journaliste
Échapper à l’hégémonie de Pékin en se tournant vers d’autres marchés est donc devenu un enjeu majeur pour les créateurs de l’île.
Le cinéma est le fer de lance de ce soft power culturel mis en place par Taïwan. Nous nous sommes rendus à la cérémonie de clôture du Golden Horse Film Festival and Awards à Taïpei. Présidé cette année par le réalisateur doublement oscarisé Ang Lee, l’événement est considéré comme l’équivalent des Oscars en langue chinoise.
Mais même sur le tapis rouge, la géopolitique locale n’est jamais loin à Taïwan.
En 2018, la réalisatrice taïwanaise Fu Yue, lauréate du meilleur documentaire a prononcé un discours indépendantiste lors de la cérémonie de clôture. Pendant plusieurs années, l’industrie cinématographique chinoise a boycotté le festival. Louise Dupont a rencontré le producteur Patrick Mao Huang qui a dû apprendre à composer avec la censure chinoise.
Sous pression de la Chine, Taïwan s’affirme comme un espace de liberté pour les arts et peut compter sur ses artistes pour faire rayonner son image à l’étranger.
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