Critique Silent Night : le retour de John Woo ne fera pas parler

John Woo, l’un des maîtres du cinéma d’action hongkongais, revient sur les terres américaines en nous proposant un film de Noël qui flingue plus qu’il ne cause sur Prime Vidéo. Silent Night va-t-il faire du bruit ?

 

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Son retour sur ses terres lui ont permis de signer à nouveaux quelques métrages majeurs à l’image de son dyptique Les 3 Royaumes, mais rien n’a faire, son style s’émousse et son dernier bébé, Manhunt, sort en 2017 sans fanfare.

Le voir à nouveau à la tête d’une production américaine pour Prime Vidéo attise donc notre curiosité autant que notre crainte d’assister une nouvelle fois à la chute d’un grand.

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Le synopsis de Silent Night est extrêmement simple. Alors que la guerre des gangs fait rage dans les rues de la ville, Brian (Joel Kinnaman) profite de Noël avec sa femme et son jeune fils.

Mais un échange de coups de feu entre deux bandes rivales tourne au drame et le garçon prend une balle perdue. Blessé à la gorge, Brian ne peut même plus exprimer sa douleur. Il va alors commencer à préparer sa vendetta afin de retrouver l’assassin de son fils à Noël prochain. 

Un scénario sous silence

Vous l’aurez compris, la particularité de Silent Night n’est pas à rechercher sous la plume du scénariste Robert Archer Lynn, mais dans son concept : un film de vengeance entièrement muet.

Sur le papier, l’idée est plaisante. Dans les faits, si Joel Kinnaman livre une prestation solide pour exprimer beaucoup sans ouvrir la bouche, le reste du film va s’épuiser à trouver tous les subterfuges pour maintenir ce silence au-delà de son personnage principal, utilisant seulement la radio de la police quand il ne peut plus faire autrement.

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Un délire jusqu’au-boutiste qui va insister sur le rôle du metteur en scène dont la caméra doit parvenir à raconter ce que les comédiens ne disent pas.

Sur cet exercice, John Woo s’en sort sans trop de mal, notamment lorsqu’il doit raconter une séparation, un interrogatoire ou une entraide en territoire ennemi. Le mutisme a alors un sens au niveau de la dramaturgie ou de l’action. Et puis il y a tous les autres moments.
Ces moments où le scénario a besoin d’exprimer quelque chose que la caméra ne peut fournir. Ces moments beaucoup trop nombreux où une femme accessoire (pauvre Catalina Sandino Moreno) va échanger des SMS avec son mari dépressif au cas où on n’aurait pas compris les difficultés du couple à communiquer.
Ces moments où ce n’est plus le script qui dirige le silence, mais l’inverse.

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Certes, l’histoire ne prétend évidemment pas nous balancer autre chose que son film de vengeance à concept, sauf que ce n’est pas une raison pour traiter avec un tel mépris son sujet, notamment lorsqu’il s’agit d’y inclure des figures obligées dans le cinéma de John Woo (Kid Cudi en flic), balancées ici avec la seule volonté de camoufler le vide environnant.

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Silent Night a la subtilité de l’oncle trop alcoolisé au repas de famille, néanmoins, il aura la bonne idée d’attendre ses cinq dernières minutes avant de nous balancer la tête la première dans une marmite de pathos dans une mise en scène ridicule digne d’un mauvais téléfilm de Noël.

 

Sois beau et tais-toi ?

Vous nous direz, jouer au roi du silence, c’est amusant, mais est-ce que le petit papa baston a rempli sa hotte ? Après tout, si on est devant Silent Night plutôt que devant un énième visionnage de Maman, j’ai raté l’avion, c’est bien parce qu’au fond de nous, on sait que le rouge du manteau du Père Noël sert à camoufler les taches de sang non ?

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Sur le coup, le film commence sur les chapeaux de roues avec une séquence introductive menée à cent à l’heure qui laisse présager une action nerveuse de la part d’un homme qui sait y faire.

Que nenni mon ami ! Une minute de plaisir pour que les soixante suivantes se consacrent à la dépression puis à la préparation de notre père de famille en passant par toutes les séquences classiques du genre. Le fameux « montage training » à la Rocky, sans la musique motivante qui va avec et en trois fois plus long.

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Et lorsque l’on commence gentiment à piquer du nez, à vingt minutes de sa fin, le film s’emballe enfin et commence à cracher ses tripes.

L’action est bien emballée par un John Woo appliqué, mais peu impliqué puisque même si elle est lisible et qu’elle suit les nouveaux codes du genre – dont le désormais inévitable plan-séquence -, on ne retrouve aucune folie du réalisateur, aucune particularité, aucune âme.
Certes, on a vingt minutes enjaillantes, sauf qu’elles n’ont finalement rien de mémorables lorsqu’on les remet en perspective avec n’importe quelle production du même calibre.

 

C’est là où le bât blesse davantage.

Parce que Silent Night n’est pas déplaisant grâce à un concept accrocheur la moitié du temps et une scène d’action bien menée. Néanmoins, il n’a strictement rien qui permet de le détacher du lot, comme si on avait encore besoin d’une énième production générique qui n’exploite même pas sa position de film de Noël.

On l’a vu et aussitôt oublié.

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Un drame en un acte lorsqu’on se rappelle qui est derrière la caméra.

Le bonhomme n’impose jamais son style au sein d’un projet qui semble avoir été vite tourné, vite expedié, comme s’il s’agissait surtout d’un film de commande pour payer le loyer.

Aucune énergie, aucune nouveauté, aucune idée de génie ou d’un plan mémorable au sein d’un métrage à la colorimétrie terne, à un numérique déjà daté et aux personnages secondaires écrits comme des meubles IKEA. Tout y est artificiel. John Who ?

journaldugeek

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