La course à la Maison Blanche est officiellement lancée. Dans l’Iowa, les premiers républicains sont appelés à voter pour désigner le candidat de leur parti à la présidentielle de novembre lundi 15 janvier. Depuis cinquante ans, ce petit État rural ouvre le bal des primaires, ce qui lui offre une place de choix sur la scène politique américaine.
Avec ses champs de maïs à perte de vue, sa capitale au nom français – Des Moines – l’Iowa, petit État rural du Midwest, est le premier à tenir son caucus républicain. Lundi 15 janvier au soir, les électeurs républicains se réuniront dans des écoles, des églises ou des pubs pour choisir qui de l’ancien président américain Donald Trump, du gouverneur de Floride Ron DeSantis ou de l’ancienne ambassadrice de l’ONU Nikki Halley les représentera dans la course à la Maison blanche.
Un premier test grandeur nature qui donne à ce petit État d’à peine trois millions d’habitants – moins de 1 % de la population des États-Unis –, une place disproportionnée dans la vie politique américaine. Et ce depuis plus de 50 ans.
Le caucus, vestige de la démocratie participative
Le caucus est un vestige de la démocratie participative. Contrairement à une primaire, qui est gérée par l’État où elle a lieu et qui fonctionne, comme la plupart des élections, avec des électeurs anonymes votant sur place ou à distance, un caucus est organisé directement par l’antenne locale du parti.
Les adhérents du parti concerné se rassemblent par petits groupes, au même jour et à la même heure, dans des écoles, églises, casernes de pompiers ou encore dans des habitations privées. Dans chacun de ses endroits, des représentants des différents candidats en lice donnent un discours en faveur de leur champion.
À l’issue de la réunion, les participants sont invités à voter en écrivant le nom de leur candidat sur un bout de papier.
Chez les Républicains, ce vote en Iowa permettra de désigner 40 délégués sur les 2 467 qui participeront à la convention républicaine de Milwaukee, dans le Wisconsin, organisée en juillet, où sera officiellement désigné le candidat du parti pour l’élection présidentielle. Les délégués sont attribués aux candidats proportionnellement au nombre de voix obtenues.
Il est à noter que ce système de caucus est de plus en plus décrié par une partie de l’électorat américain, qui le perçoit comme « archaïque », inflexible, et qui déplore que le vote ne se passe pas dans le secret de l’isoloir. En 2020, une dizaine d’États ont ainsi abandonné ce système au profit de primaires. Seuls l’Iowa et le Nevada s’y accrochent encore.
Un premier rendez-vous fruit du hasard
Comment un petit État comme l’Iowa s’est-il retrouvé à lancer la course à la Maison blanche ? Par un total hasard, rappelle The New York Times.
Jusqu’en 1968, des primaires étaient organisées dans une poignée d’États, mais le choix final du candidat revenait majoritairement aux grands pontes des partis réunis lors de leur Convention nationale.
Cette année-là, les leaders du parti démocrate réunis pour leur Convention à Chicago décident de nommer Hubert Humphrey, vice-président du Président Lyndon Johnson, comme candidat pour l’élection présidentielle de novembre. Mais l’annonce provoque la colère d’une partie de la population. Les États-Unis sont alors en pleine guerre du Vietnam et le Président est fortement impopulaire en raison de son soutien au conflit. Des manifestations éclatent pour demander un choix plus transparent du candidat.
Après cette crise, en 1972, le parti démocrate décide de réformer sa procédure et élargit le système des primaires. L’Iowa opte alors pour un caucus, complexe à organiser. Pour s’assurer d’être fin prêts pour la Convention suivante, l’État décide d’organiser son caucus dès le mois de janvier suivant. Il devient ainsi le premier à voter.
Un thermomètre de l’électorat
En termes de chiffres, l’Iowa, avec seulement 40 délégués en jeu chez les républicains, a peu d’importance politique. À chaque élection, c’est pourtant la même rengaine. Dans les semaines précédant le caucus, les candidats s’y précipitent, suivis d’une foule de médias, et sillonnent l’État multipliant les meetings et prises de parole. L’année 2024 ne fait pas exception : selon un décompte effectué par la chaîne NBC, le gouverneur de Floride Ron DeSantis a participé à pas moins de 125 événements (meeting, débats, etc.) depuis le mois de mai dans l’Iowa, 33 pour Nikki Haley et 27 pour Donald Trump.
« C’est la première occasion qu’ont les candidats pour impressionner leurs électeurs », explique auprès du média britannique The Independant Katie Akin, journaliste politique pour le journal Des Moines Register, qui couvre depuis plusieurs années les caucus dans l’État. « L’Iowa n’est pas premier parce qu’il est important. Il est important parce qu’il est le premier », résume auprès de The Guardian Dennis Goldford, professeur à l’université Drake de Des Moine.
L’objectif, pour chacun des candidats, est de profiter de ce premier rendez-vous pour créer un élan en sa faveur en provoquant la surprise ou en confortant sa place de favori.
Et c’est à Jimmy Carter que l’Iowa doit cet aura quasi-mythologique de « faiseur de rois ». En 1976, l’ancien gouverneur de la Géorgie, peu connu du grand public, décide de tout miser sur l’Iowa et y fait campagne sans relâche pendant quatorze mois. Il remporte le scrutin, se trouve propulsé sur le devant de la scène et remporte l’élection présidentielle. En 2008, Barack Obama suit l’exacte même trajectoire.
Dans la même lignée, même sans accéder à la Maison Blanche, d’autres candidats ont su créer la surprise. « L’Iowa est peu prévisible », explique Ann Selzer, responsable de sondages, auprès de The Independant. « En 2012, par exemple, Rick Santorum [républicain] plafonnait à 5 ou 6 % d’intention de vote dans les sondages. Il a finalement gagné le vote », relate-t-elle. Et en 2016, côté démocrates, « Hillary Clinton menait, menait, menait. Bernie Sanders était loin derrière et il a finalement perdu avec un infime retard sur son adversaire. »
Pour les Républicains, remporter le caucus de l’Iowa ne veut cependant pas dire être choisi comme candidat à la présidentielle, et encore moins remporter la fonction suprême. Depuis George Bush en 2000, aucun vainqueur du caucus n’a obtenu la nomination du parti. Chez les démocrates en revanche, tous les vainqueurs depuis 2000 ont raflé la nomination du parti, sauf Joe Biden en 2020, qui avait terminé à la quatrième place.
Confirmer sa figure de favori pour Trump, s’affirmer deuxième pour DeSantis et Halley
Lundi, Donald Trump sera pour la première fois face au jugement des électeurs depuis qu’il a quitté la Maison Blanche. En tête des sondages pour l’instant, il affiche avant tout l’ambition de conforter sa place de favori.
Parmi les cinq autres candidats en lice, seuls Ron DeSantis et Nikki Haley semblent encore avoir une chance de s’affirmer comme une alternative. L’ancienne ambassadrice à l’ONU, seule femme dans la course, apparaît comme la nouvelle coqueluche de la droite, appréciée par les milieux d’affaires américains. De son côté, le gouverneur de Floride, ancien officier de marine, semble avoir tout misé sur l’Iowa en visitant ces derniers mois chacun de ses comtés.
Donald Trump arriverait largement en tête dans l’Iowa avec 48 %, devant Nikki Haley créditée de 20 % et Ron DeSantis de 16 %, selon un sondage commandé par plusieurs médias, dont le Des Moines Register, NBC News et Mediacom, et paru samedi.
Mais « Ron DeSantis et Nikki Halley sont en mesure d’obtenir une deuxième place et de talonner Donald Trump. Cela pourrait suffire à changer la dynamique dans les prochaines primaires », estime Katie Akin. Un enjeu d’autant plus grand pour les deux adversaires que l’ancien président, poursuivi dans plusieurs affaires judiciaires, pourrait être empêché de poursuivre sa course à la présidentielle.
Une inconnue de dernière minute pourrait par ailleurs perturber le caucus : le froid. Tout l’Iowa est frappé depuis plusieurs jours dans le blizzard et les températures ont plongé sous les -20°C.
Changement de calendrier du côté démocrate
Cette année, l’Iowa risque cependant perdre un peu de son aura politique. Car s’il sera toujours le lieu d’une grande messe républicaine, il n’ouvrira pas, pour la première fois en quarante ans, le bal des primaires démocrates.
Poussé par le président Joe Biden, le parti démocrate a en effet décidé de remanier son calendrier et d’offrir à ses adhérents la possibilité de voter par correspondance entre le 12 janvier et le 19 février. Une façon de détourner un peu le regard des résultats de cet État conservateur à 90 % à majorité blanche. Une façon, aussi, d’oublier le fiasco de 2020 lorsque le caucus démocrate avait tourné au désastre en raison d’une application censée compter les voix défectueuse.
Le parti démocrate préfère mettre l’accent sur la primaire en Caroline du Sud, dominée par une importante communauté afro-américaine, qui aura lieu le 3 février. En 2020, après des échecs dans l’Iowa, le New Hampshire et le Nevada, c’est cet État qui avait permis à Joe Biden d’inverser la tendance et d’être finalement choisi pour défier Donald Trump.
france24